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10 avril 2025
Parkinson : une avancée prometteuse pour mieux vivre avec la maladie
Caroline Moreau est neurologue au centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille. Avec son équipe, elle a développé une méthode innovante qui permet de réduire les symptômes de la maladie. Un espoir "made in Nord" qui pourrait améliorer le quotidien de milliers de personnes.
Caroline Moreau est également Docteure en neurosciences et en neurologie à l'Université de Lille, professeure de neurologie au CHU de Lille, cofondatrice et directrice clinique de la société InBrain Pharma. Pour sa recherche sur la "A dopamine", son équipe a été finaliste dans la catégorie Recherche du Prix de l'inventeur européen 2024.
Qu'est-ce que la maladie de Parkinson ?
Caroline Moreau : La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative, due à la destruction progressive des neurones qui produisent la dopamine dans le cerveau. Cette substance est notamment nécessaire au contrôle de la motricité. Avec sa disparition, les patients présentent donc des troubles moteurs importants comme des tremblements, des problèmes de marche. D’autres symptômes résultent de l’impact de la maladie sur le reste du cerveau : douleurs, dépression, mais aussi troubles intestinaux, du sommeil, de l’odorat… Cette variété de symptômes signifie qu'il y a autant de maladies de Parkinson qu'il y a de patients.
Combien de personnes sont concernées ?
C.M. : La maladie touche aujourd'hui 10 millions de personnes dans le monde, 270 000 en France et près de 16 000 dans le Nord. Le nombre de malades augmente, en raison du vieillissement de la population d'une part, et des facteurs environnementaux (exposition aux pesticides et aux métaux lourds) d'autre part. On associe souvent Parkinson à la vieillesse mais on diagnostique aujourd'hui des cas de Parkinson chez des personnes âgées de 30 à 40 ans. Les autorités publiques doivent être vigilantes sur ce point. Enfin, la génétique peut être un facteur de risque mais il reste anecdotique et non unique.
Comment la maladie se soigne-t-elle ?
C.M. : Il n'existe actuellement aucun remède pour soigner la maladie ou la ralentir. Les traitements consistent à gérer les symptômes. La régulation de la dopamine est la clef pour réduire les symptômes : elle agit comme un pacemaker dans le cerveau. Aujourd'hui, les traitements incluent des médicaments pour augmenter ou remplacer la dopamine, ou encore pour inhiber les enzymes responsables de sa dégradation. Mais leur efficacité est limitée dans le temps. Ils n’améliorent pas non plus les symptômes non moteurs qui, en général, résultent d’autres dysfonctionnements. Il y a énormément de fluctuations dans une journée, ce qui altère considérablement le quotidien des malades.
En quoi vos recherches permettent-elles d'améliorer la qualité de vie des malades ?
C.M. : Avec mon équipe, nous pensons qu'on ne traite pas une maladie du cerveau par la bouche. L'idée était donc de mettre directement les molécules dans le cerveau. Avec le professeur David Devos et le Centre de recherche Lille Neuroscience & Cognition, nous avons découvert un moyen de produire, de stocker et de délivrer de la dopamine sans douleur et sans oxydation : la "A dopamine".
La dopamine est stockée dans une pompe implantée sous la surface de l'abdomen et cette pompe est reliée par un fin cathéter sous la peau jusqu'au cerveau. Ce dispositif permet de délivrer la dopamine de manière précise et continue, sur le rythme physiologique, tout en évitant les effets indésirables dus à la circulation de dopamine dans le sang. Cette innovation pourrait devenir pour les malades parkinsoniens ce que la pompe à insuline est aux diabétiques.
Notre invention, développée au CHU de Lille avec la collaboration de l'Université de Lille et de l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), a été 5 fois brevetée. Nous avons achevé les phases I et II en juin 2024 avec des résultats très satisfaisants sur 12 patients. Avec notre start-up InBrain Pharma, nous lançons la phase III destinée à financer un essai clinique sur 170 patients. L'objectif de cette phase est d'obtenir une autorisation de mise sur le marché en Europe et aux États-Unis.
Quels conseils pourriez-vous donner aux malades et à leurs proches ?
C.M. : La maladie de Parkinson est évolutive et affecte toute la cellule familiale. Pour les proches, il faut souvent faire le deuil de la personne que l'on a connue. Il ne faut pas rester seul, ne pas hésiter à en parler au neurologue, à des psychologues formés. Les plateformes de répit sont des alliés précieux pour les aidants. Avec le professeur Devos, nous travaillons dans le domaine de la maladie de Parkinson depuis plus de 20 ans : nous avons vraiment appris à connaître les patients et la maladie parce que nous vivons avec eux au quotidien. Je souhaitais trouver une solution pour améliorer la qualité de vie et l'autonomie du malade. C'était mon objectif. Et ça l'est toujours.