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16 avril 2024

Morad Ferrahi : un Nordiste extraordinaire qui grimpe pour l'inclusion

«Valide ou invalide, n’ayez qu’un seul regard !» Morad Ferrahi, Wattrelosien touché par un handicap moteur depuis l’enfance, a gravi en janvier son troisième sommet en moins de 3 ans. Après le Mont-Blanc puis le Kilimandjaro, il s’est offert l’Aconcagua, point culminant de la Cordillère des Andes, à près de 7000 mètres d'altitude. Rencontre.

Pour comprendre ce qui a poussé ce commercial de 41 ans à se lancer dans une telle aventure, il faut remonter quelques années en arrière. Précisément à l’hiver 2018, lors d’un séjour au ski en Haute-Savoie. Les membres inférieurs de Morad Ferrahi, qui n’ont pas connu une croissance "normale" dans son enfance en raison d’une atrophie des tendons, ne répondent plus correctement.

Jusqu’alors, le Wattrelosien ne s’était pourtant jamais rien interdit. J’ai fait de la gym, du foot et du handball, toujours avec des valides, parce que je me suis toujours senti valide. Je n’ai jamais voulu me freiner, et ça ne m’a pas posé le moindre souci. Mais là, impossible de mettre des chaussures de ski. J'étais complètement bloqué.

Illustration
"La montagne, ça vous gagne", pour reprendre un célèbre slogan, ce n'est pas Morad Ferrahi qui dira le contraire.

Le Mont-Blanc, la révélation

Six jours à tuer donc, que Morad Ferrahi va passer avec des raquettes aux pieds. Tandis que ses proches dévalent les pistes, lui les remonte. J’ai découvert comme ça tout le domaine, et j’ai pris un plaisir dingue ! En fin de séjour, je suis allé tout en haut de la station avec un guide, et c’est là que j’ai eu une révélation : au milieu des montagnes, j’ai vu le Mont-Blanc.

Son accompagnateur lui laisse miroiter qu’il est possible de grimper le plus haut sommet d’Europe, à condition de s’entraîner. Cette phrase va titiller son esprit. J’y ai pensé pendant deux ans, j’ai mûri le projet sans rien dire, et un matin, coup de flash ! Chez le coiffeur, j’ai passé quelques coups de fil et c'était parti.

Morad Ferrahi faire alors appel à Mohamed Elachi, un préparateur physique, et passe la vitesse supérieure. Treize entraînements par semaine ! Tôt le matin et en fin de journée après le travail, j’étais à 300 %, souligne-t-il. Séances cardio, montées du terril de Loos-en-Gohelle et marches, toujours avec un sac de 8kg sur le dos, afin de se rapprocher des conditions de son périple.

L'ascension du mont Blanc (4806 mètres), en juin 2021, est réalisée en cinq jours. Morad Ferrahi doit, avec son guide, s’y reprendre à deux fois en raison d’un risque d’avalanche. Redescendu tout en bas pour des raisons logistiques – alors qu’il a déjà effectué les deux tiers du trajet –, le Wattrelosien repart à 2 heures du matin à la frontale pour mener à bien son projet, avec une arrivée en milieu d’après-midi. Et déjà, son message passe : Valide ou invalide, n’ayez qu’un seul regard !

Trois sommets pour porter les valeurs de l’inclusion

Un an après, notre grimpeur se lance à l’assaut du Kilimandjaro (5895 mètres). Là, on démarre par quatre mois de préparation, on double les entraînements, parce que c’est un effort de sept jours, développe-t-il. En Afrique, je réalise l’ascension en groupe, et je découvre le mal des montagnes qui se caractérise par une migraine horrible, se souvient le Nordiste. Au sommet, température -20°C ! 

Morad Ferrahi veut avant tout croquer la vie, selon ses propres termes. À tel point qu’il décide de relever un troisième défi. J’ai voulu voir ce qui se passait au-dessus de 6000 mètres, sourit-il. Il jette son dévolu sur l’Aconcagua, sommet argentin qui culmine à 6962 mètres. Il rappelle Mohamed Elachi, car on ne change pas une équipe qui gagne. Il renoue avec sa routine d’entraînement, et part au cœur de l’hiver pour trois semaines complètement dingues, dont 16 jours de montagne. J’ai passé des nuits au bord du vide sous des rafales de vent qui vous empêchent de trouver le sommeil, mais c’est un tel dépassement de soi !, estime-t-il, ravi de pouvoir transmettre son message une troisième fois.

Début avril, Morad Ferrahi a reçu des mains de Jacques Delfosse, l’adjoint aux sports de sa ville, le trophée du sportif wattrelosien de l’année.

  • 1/6 - Sur la route du mont Blanc.
  • 2/6 - Le Kilimandjaro en arrière-plan.
  • 3/6 - Au sommet du Kilimandjaro.
  • 4/6 - Un spectacle saisissant en haut du sommet africain.
  • 5/6 - L’Aconcagua, sans doute le périple le plus difficile.
  • 6/6 - Étape intermédiaire à 5000 mètres d'altitude, sur le chemin qui mène au sommet argentin, avec vue imprenable sur la cordillère des Andes.

Crédits photo : Morad Ferrahi

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