Culture | Valenciennois
17 septembre 2023
Frédéric Messager, un artiste qui déjoue les frontières
Entrer dans l’atelier de Frédéric Messager, c’est découvrir un univers foisonnant et profond. Cet artiste aux multiples facettes nous a reçu pour parler de son œuvre, il accueillera le public à Valenciennes le samedi 7 octobre, lors des Portes Ouvertes des Ateliers d’Artistes. Une rencontre à ne manquer sous aucun prétexte !
Peut-être parce qu’il l’occupe depuis plus de 20 ans, ou parce que son art a quelque chose de mouvant et d’onirique, l’atelier de Frédéric Messager a ce supplément d’âme indéfinissable, chargé d’histoires et d’émotions. Pour le découvrir, il faut d’abord entrer dans la galerie du centre d’art contemporain l’H du Siège à Valenciennes, nichée au fond d’une cour, puis grimper à l’étage où l’artiste s’isole dans ce grand espace lumineux.
À l’intérieur, des œuvres XXL sont accrochées au mur, elles happent instantanément le regard du visiteur. On plonge dedans comme dans un rêve. D’autres, plus petites ou en volume, se cachent dans des tiroirs ou racontent leur propre histoire ailleurs dans l’atelier.
Saisir le perpétuel changement
Si Frédéric Messager a débuté par la peinture, ses outils de prédilection deviennent petit à petit le stylo, l’encre, le crayon de couleur et le fusain projeté sur papier, ainsi que la photo rehaussée sur tablette numérique.
Il travaille aussi beaucoup en volume, il récupère, plie, colle, malmène
les choses pour mieux les soigner : Dans mon processus de travail,
j’apprivoise la catastrophe, mais quand elle se présente, je la salue comme une
occasion de tout oublier et de recommencer. Finalement, je ne sais pas ce qui
constitue mon activité principale, je fais, je transforme, je ne veux pas être
enchaîné. Je me sens à l’aise dans l’état du moment.
Sa palette ? Les tons sombres, le bleu, mais pas que... Il aime la nuit, un espace-temps propice au recueillement et au travail.
Je ne cherche pas l’esthétique, elle vient toute seule, elle débarque sans prévenir. Si elle crée des émotions, alors tant mieux.
Quand on lui demande de nommer les artistes qui l’ont marqué, il répond que la liste est trop longue, mais précise que ceux découverts dans les musées du Nord sont ceux qu’il aime encore aujourd’hui, tels Matisse, Laurens ou Eugène Leroy. Il cite également Vuillard, Bonnard, mais aussi Doig, Tuttle, Denis Oppenheim, ou Armelle de Sainte Marie...
Un parcours guidé par l'art
Né en 1970 à Cambrai, Frédéric Messager plonge dès l’enfance dans la bibliothèque familiale où il tente de recopier ses artistes préférés, les dessins de Gustave Doré, ou encore les gravures de Rembrandt, centimètre par centimètre... Adolescent, et un déménagement plus tard à Maubeuge, il suit les cours de Gregory Anatchkov à l’école d’Art municipale, avant de s’inscrire aux Beaux-arts de Valenciennes à l’issue du lycée.
Dès l’âge 15 ans, je savais que je voulais faire de
l’art. J’étais nul à l’école, mais dès que je produisais une image, il se
passait quelque chose, j’aimais déjà ce qui était pointilleux. Mon passage aux
Beaux-Arts m’a permis de tester beaucoup de nouvelles techniques, mais dès que
j’en suis sorti, j’ai très vite retrouvé mon empreinte
, raconte l’artiste.
Ses débuts sont âpres : Je suis quelqu’un de
lent, je n’ai pas exposé tout de suite. Je travaillais dans le studio dans
lequel je vivais, il était plein à craquer ! J’ai alors eu la chance de
rencontrer Pascal Pesez et Philippe Betrancourt à la tête de l’H du siège, ils m’ont proposé de
louer un espace dans leur centre d’art, cela fait 23 ans que je l’occupe. Le
lieu, légèrement en retrait de la rue est monacal, on s’y sent bien. Un atelier
est important, il permet de se trouver.
Toujours soutenu par ses proches, il persévère dans sa carrière artistique tout en travaillant ici et là pour gagner sa vie. À 36 ans, il tente le CAPES d’arts plastiques en candidat libre et décroche le précieux sésame. Il est muté au collège Paul Duez de Cambrai, et enchaîne depuis de multiples interventions complémentaires : d'abord comme professeur de dessin à l’Ecole d’architecture de Lille, puis à l’Université de Valenciennes. Depuis 4 ans, il est aussi membre du conseil d’administration du Centre Régional de la Photographie (CRP) à Douchy-les-Mines.
Sa rencontre avec Olivier Delavallade signera un tournant dans sa carrière. Ce spécialiste de l’art moderne et contemporain français, à ce moment-là directeur du Domaine départemental de Kerguéhennec dans le Morbihan, l’invite en résidence. Une expérience qui le propulse sur le devant de la scène et lui ouvrira les portes de l’international.
En 2019, Frédéric Messager expose avec cinq autres artistes à Busan, en Corée du Sud.
Ces rencontres déclenchent beaucoup de choses. Elles donnent une orientation, des convictions, de la sincérité et de l’humilité à ce qu’on fait. Elles permettent aussi de se détacher des images tutélaires, de se renouveler.
Sur place, il n’a pas d’atelier pour travailler, la ville devient alors son terrain de jeu. Il crée de petites sculptures qu’il laisse sur son passage, comme des offrandes, un geste de spontanéité qu’il a gardé depuis dans ses volumes.
Des projets à foison
En ce moment, l’artiste travaille sur un dyptique sur papier mûrier. Il revient d’une résidence d’artiste d’un mois à Stockholm où il a été invité par le centre culturel Slipvillan : Tous les jours, je traversais un pont entre mon logement et le centre culturel situé sur l’île de Långholmen. Le matin comme le soir, j’étais aveuglé par le soleil, le lac qui scintillait… j’observais le feuillage en mouvement, le désordre de la vie, l’apparition des blancs. Tout cela m’a donné envie de révéler quelque chose par l’effacement, j’ai travaillé sur ce thème avec des strates de couleurs gommées
, détaille-t-il.
Il repartira quelques semaines en Corée du Sud en 2024. Un espace de création de 200 m2 et de 5 mètres de haut l’attend sur place. De quoi explorer de nouveaux horizons !
Plus près de nous, Frédéric Messager poursuit son travail de
transmission. Sous sa casquette de professeur, il emmènera de nouveau ses
collégiens en Italie grâce au programme Erasmus +. Avec la construction du nouveau
collège Paul Duez de Cambrai, il a également saisi l’opportunité de créer une véritable galerie d’art au sein de l’établissement : On
aura 40m2 d’exposition, et ce ne sera pas une salle de classe adaptée, ce sera
qualité galerie !
se réjouit-il. C’est un projet important
qui va permettre de magnétiser les écoles tout autour. On va travailler avec le
FRAC de Dunkerque, celui d’Amiens, le CRP de Douchy, et les artistes en
résidence dans le Cambrésis. Une galerie permet de pérenniser les actions et
les liens, elle apporte énormément.
Aussi, il interviendra 15 jours cet automne à la prison de Valenciennes pour travailler avec des détenus sur le thème du banc de touche en foot.
Vous l’aurez compris, Frédéric Messager est sur tous les fronts. Artiste protéiforme, il aime autant recevoir qu’il aime donner, et son art s’en ressent. Allez franchir la porte de son atelier pour découvrir son univers, l’occasion ne se présente qu’une fois dans l’année !
Les Portes Ouvertes des Ateliers d'Artistes à l'H du Siège
La galerie de l'H du Siège, centre d'art contemporain, accueillera le public le vendredi 6 et le samedi 7 octobre de 14h à 18h. L'atelier de Frédéric Messager sera accessible les deux jours, et les rencontres avec l'artiste auront lieu le samedi après-midi.
Retrouvez le programme complet des Portes Ouvertes des Ateliers d'Artistes sur le site poaa.lenord.fr
Crédits photo : Philippe Houzé