Culture | Flandre intérieure
30 mai 2024

Festival Artpenteurs : Fred Martin raconte son œuvre éphémère

Fred Martin, artiste international, a créé une œuvre végétale gigantesque que vous pourrez découvrir dans le cadre du festival Artpenteurs jusqu’au 29 septembre en Flandre intérieure. Rencontre.

Un visage émerge entre deux arbres, en bordure du bois de Flêtre. Un visage géant créé à partir d'un assemblage de branches de noisetiers et de saules tout droit sorti de l’imaginaire de Fred Martin. La sculpture Portail, à la manière d’un torii japonais, transforme le chemin en un lieu de passage et invite à découvrir un territoire onirique.

Comment avez-vous appréhendé cette création ?

Fred Martin : Je travaille toujours avec les matériaux végétaux à disposition sur les lieux où je suis invité à créer. Ce projet a donc été abordé comme à mon habitude, en m’intéressant au lieu, à son histoire… Dans les Flandres, terre de géants, ce visage monumental coincé entre deux arbres donne l’impression qu’il a grandi entre eux et avec eux.

Sculpture végétale
L'œuvre Portail en cours de création

Cette tête géante résonne avec l’histoire locale…

F.M. : Tout à fait ! Mais plus globalement, dans tous les mythes, toutes les cultures, il y a des géants. Ce grand visage d'environ 4 mètres de hauteur invite les promeneurs à la traverser et ainsi transformer le sentier en lieu de passage. On retrouve cette figure du visage portail dans les jardins de Bomarzo en Italie, ou à Ubud à Bali, en Indonésie.

Un visage portail, pourquoi ce choix ?

F.M. : Depuis 25 ans, je réalise à travers le monde des performances intitulées "Baptêmes de terre". Les gens plongent leur visage dans de l’argile crue et molle afin d'y laisser leur empreinte que je moule en plâtre par la suite. De ces moulages, je réalise des expositions. À force de baigner dans les visages, j’ai eu le désir de les intégrer autrement au paysage. J'ai alors commencé à créer des sculptures en matériaux naturels de plus en plus grandes. J’ai d'abord travaillé sur des têtes monumentales en terre puis sur un visage en bambou lors d'une résidence au Mexique. Quand je suis revenu en France, j’ai continué à utiliser la matière végétale à ma disposition. Ici, le concept du portail : vous choisissez de rentrer dans un lieu sacré, de passer comme dans une 4e dimension…

Qu’espérez-vous provoquer chez le public ?

F.M. : De la surprise, de la poésie, de l'émerveillement ! Une réflexion aussi avec ce visage humain gigantesque qui montre d’une certaine manière notre emprise sur cette nature dont on fait partie. Nous l’oublions souvent, nous sommes loin d’en être les maîtres… Mes réalisations sont toujours installées dans la nature, elles sont accessibles à tous et chacun est libre de se raconter et de s'inventer sa propre histoire.

Comment se crée une œuvre géante en matière naturelle ?

F.M. : Tout commence par un dessin… Il n’y a pas d’assistance technique spécifique, pas d’outils informatiques. Mes connaissances en anatomie sont bien sur utiles pour les proportions et pour déterminer la forme de la sculpture. Sur place, je construis une structure en branches de noisetiers destinée à recevoir les branches plus souples de saule qui viendront l'habiller et devenir sa peau. Cette technique de travail de la matière s'acquiert par la pratique. L'œuvre prendre forme ainsi, petit à petit.

Une fois installée dans la nature, l’artiste lâche prise sur son œuvre…

F.M. : On l’offre à la nature et au public ! Ici, à Flêtre, comme l’œuvre est implantée sur un terrain marécageux, il se pourrait que les branches de saule reprennent racine et croissent… Le sol est magique et nous réserve souvent des surprises. Ma sculpture sera probablement habitée par des oiseaux, pourra servir d’abri à des mammifères…

Vous avez d’autres projets à côté ?

F.M. : Je pars en juin au musée de l’Oise, Le Mudo, y réaliser des performances "Baptême de terre", puis je me rendrai en Tchéquie pour une exposition personnelle. Ensuite, direction la Turquie pour réaliser une sculpture en pierre sur le site de Nemrut Dagi, toujours avec les matériaux provenant du site de réalisation. Quand on est sculpteur, on ne s’arrête pas à un seul matériau !

Pour découvrir l’œuvre Portail de Fred Martin, empruntez le sentier de randonnée du Bois Greffier à Flêtre. Et pour découvrir les 9 autres œuvres créées spécialement pour le festival Artpenteurs qui se tiendra dans les Flandres du 1er juin au 29 septembre, rendez-vous sur le site de l'évènement.

L’histoire de Fred Martin en quelques lignes…

Depuis plus de 25 ans, il travaille dans la nature. Il est né en 1969, il vit et travaille à Lille et surtout ailleurs ! Diplômé de l’école des Beaux-Arts de Tourcoing, il pratique la sculpture, la photographie, la performance, le dessin et la gravure. Après un long séjour forcé dans les cages d’un zoo, il part se perdre dans les immensités du Canada et de l’Alaska avant de s’installer pendant plus de trois ans en Inde du sud. Depuis, il ne cesse de voyager à travers le monde où il réalise ses installations, ses sculptures in situ et perpétue sa quête pour révéler l’empreinte du temps qui passe.

Crédits photo : Fred Martin, Zdenek Zrust

Pour aller plus loin