Jeunesse Éducation | Cambrésis
9 novembre 2023

Anne Thiery, policière : "Le harcèlement scolaire fait partie des délits"

Anne Thiery est fonctionnaire de police à Cambrai. Elle intervient régulièrement sur le thème du harcèlement et du cyber-harcèlement dans les établissements des environs. Pour la journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école, ce jeudi 9 novembre, elle avait rendez-vous avec les élèves de sixième du collège Jules-Ferry.

Comment procédez-vous pour sensibiliser les élèves ?

Anne Thiery : D’abord, je définis avec eux la notion de harcèlement. Je leur demande de verbaliser ce sujet par des mots pour qu’on sache bien de quoi on parle. On n’est pas sur des disputes de cours de récréation. En fin de séance, je leur passe une petite vidéo explicative, et on en discute. Je mets le point sur le fait qu’ils osent en parler, qu’ils n’aient pas peur d’aller vers leurs camarades, vers les adultes. Qu’il y ait une bienveillance ! Les jeunes sont beaucoup sur les réseaux, sur leur téléphone, donc ça crée des tensions. 

Vous trouvez que ça s’est dégradé depuis que vous avez commencé vos interventions ?

A. T. : Oui ! Avant, la collègue que j’ai remplacée, ne faisait pas encore d’intervention dans les classes primaires sur cette thématique. Maintenant, j’ai pas mal de demandes pour intervenir en CM1 et CM2, parce qu’ils ont déjà des téléphones à leur âge, et vont sur les réseaux sociaux de plus en plus tôt. Les parents ne prennent pas conscience des dangers d’Internet. Ils ne se rendent pas trop compte de l’univers dans lequel évoluent leurs enfants, et ce qu’ils font derrière ! C’est surtout au cours de mes onze années de procédure judiciaire, que j’ai vu une montée en puissance des problèmes de harcèlement, systématiquement en lien avec les réseaux sociaux. C’est pour ça aussi, qu’on met en place des groupes de parents avec lesquels j’interviens pour faire de la prévention. 

Les collégiens que vous rencontrez, ont-ils conscience de cette notion de harcèlement ?

A. T. : C’était encore vague il y a deux, trois ans, mais là, avec la médiatisation de suicides chez les adolescents, c’est différent. Quand ils regardent la télévision, ils se rendent compte qu’il y a de plus en plus de jeunes en difficulté. Cette année, ils me parlent tout le temps de Lindsay (élève dans un collège du Pas-de-Calais qui s’est donné la mort). Là, ils comprennent que c’est dangereux, qu’ils peuvent vite être confrontés à ça, et qu’ils doivent en parler. Moi, j’insiste énormément là-dessus. 

La partie sanction que vous évoquez, est également importante…

A. T. : C’est nécessaire de parler des sanctions, et de leur expliquer ce qu’ils risquent. En tant que mineurs, ils pensent être à l’abri, mais il faut qu’ils sachent qu’ils sont responsables pénalement. Ils sont à un âge où ils peuvent être jugés et sanctionnés, puisque maintenant, le harcèlement scolaire fait partie des délits. Quand j’interviens, on devine les élèves qui sont victimes et, par leur comportement, ceux qui sont auteurs. Dès que je dis quelque chose sur un point précis, il y a des regards entre les élèves, et là, on se dit qu’il se passe quelque chose. 

La présence de l’uniforme est-elle primordiale dans cette sensibilisation au harcèlement ?

A. T. : Oui, j’en suis convaincu ! D’ailleurs, quand on me contacte, c’est une demande que j’ai. Est-ce que je vais venir en uniforme ? C’est là qu’ils comprennent vraiment qu’il peut y avoir des sanctions, et que ce qu’ils font, peut être répréhensible selon la gravité. Ça libère aussi la parole, et certains élèves, après la sensibilisation, viennent me voir pour me dire qu’ils sont victimes ou l’ont été. 

Un espace de confiance sur l'ENT

A l’occasion de la journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, le Département du Nord a mis en place un espace de confiance directement accessible depuis la vue "Mes Applis" de l'ENT Hauts-de-France. Cet espace de confiance, conçu pour informer sur les violences, doit favoriser la mise en relation avec les dispositifs d'aide existants. L'ensemble de la communauté éducative y trouvera les ressources pour identifier une situation anormale, et la possibilité de contacter de façon discrète les adultes capables de recueillir la parole dans son établissement ou les professionnels des organismes référents d'écoute et d'aide au sujet des violences. 

Crédits photo : Philippe Houzé

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