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4 mai 2021
Un jour, une œuvre : "Correspondances"
Le musée Matisse partage aujourd'hui un dessin de Pierre Bonnard, exécuté à la plume. Tiré du livre Correspondances édité chez Tériade en 1944, cette lithographie nous fait entrer dans les souvenirs du peintre qui illustre ses lettres imaginaires.
Le temps passe doucement dans les tableaux de Pierre Bonnard (1867-1947) mais les sujets restent les mêmes. Le corps de la femme aimée semble ne pas subir les outrages du temps qui passe et des années qui filent. La famille, sa femme Marthe, les neveux, le chien et la tarte aux cerises que l’on prend au jardin semblent figés.
Les couleurs et la touche cotonneuse du "Nabi japonard", son surnom dans le groupe des Nabis, nous poussent à la rêverie. Pierre Bonnard touche l’âme de ses tonalités acidulées et de ses touches vibratoires. Ne peignant que les petits plaisirs de la vie, évitant les grands thèmes de l’histoire et de la morale, Bonnard nous dévoile son quotidien et seulement cela.
Pourtant, lorsque Pierre Bonnard et l’éditeur Tériade commencent à réfléchir à un nouveau livre, l’artiste penche pour un ouvrage inspiré d’Homère. Il lit L’Odyssée qui lui plait beaucoup, mais le décès de Marthe en janvier 1941 ajourne le projet. Et ce sont finalement dans ses souvenirs d’enfance qu’il plonge pour composer et illustrer Correspondances.
Tériade finit d’imprimer le livre pendant l’été 1944 et le met en vente en décembre de la même année. Comme s’il était à l’heure du bilan, Pierre Bonnard emprunte à son passé, s’inspire de ses photos personnelles pour écrire ces lettres imaginaires. Elles sont pourtant issues de sa mémoire et de vrais souvenirs, entre sa grand-mère, sa mère et lui.
Il écrit à l’encre violette et dessine à la plume des dessins spontanés qui illustrent ses vacances dans la maison familiale du Grand Lemps en Isère. On y trouve un chassé-croisé de souvenirs "des villes et des champs" à travers ses écrits et ses illustrations : la vache à l’heure de la traite, le chat de grand-maman monté sur la table, la calèche bondée qui passe dans la rue éclairée de réverbères, l’omnibus bien rempli, le clown en pleine représentation ou le pommier gorgé de fruits prêts à être cueillis. Véritable invitation à un voyage d’antan…
Crédits photo : "Correspondances" : Musée départemental Matisse, Philip Bernard - "Les Grands Boulevards" : Adagp 2017, Jean-Michel Drouet.