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22 septembre 2023

Stéphane Delame : "N'ayez pas peur de communiquer avec les sourds !"

À l'occasion de la journée mondiale des sourds, nous avons rencontré Stéphane Delame, malentendant de naissance. Il nous a parlé de son parcours, d'art aussi, et de son rapport aux autres et au monde.

Il nous avait prévenu. Vous verrez, les personnes oublient très vite que je suis sourd. En effet, avec Stéphane Delame, la communication est tout sauf un problème car ce dynamique cambrésien a eu la possibilité d'apprendre à la fois la parole et la lecture labiale dès son plus jeune âge.

Je suis malentendant depuis tout petit car mon oreille droite n'a jamais marché. Mais la gauche fonctionnait parfaitement bien, alors mon corps s'est adapté : j'ai appris à parler et à lire sur les lèvres spontanément. Ce qui a permis à Stéphane de suivre un cursus scolaire et universitaire tout à fait classique, avant de démarrer sa vie professionnelle dans un cabinet d'architectes. Mais ça, c'était avant que le destin ne s'en mêle.

En 2008, j'ai perdu l'audition de mon oreille gauche en quelques heures. On m'a dit que c'était un virus. Face à cette surdité aussi totale que soudaine, Stéphane est contraint d'abandonner son travail. Il ne se laisse pas abattre pour autant. Passionné d'art, et plus particulièrement de peinture, il se forme à la médiation culturelle pour rendre les visites guidées des musées accessibles aux personnes sourdes et malentendantes.

Dans le cadre de mes nouvelles études, j'ai fait un stage au musée départemental Matisse et c'est comme ça que tout a commencé. Stéphane conçoit les vidéos des parcours Matisse et Herbin en langue des signes sous-titrée. Vous imaginez un sourd avec un audio-guide classique, vous ?, lance-t-il dans un éclat de rire. 

Les sourds et malentendants doivent sans cesse s'adapter au monde environnant. Si l'inverse pouvait être vrai, ça serait un peu plus simple… 

Stéphane Delame, formateur en langue des signes et médiateur culturel

En 2017, il obtient son titre de formateur en langue des signes et crée son organisme de formation Des signes moi. J'ai travaillé pour le MusVerre, le Forum antique de Bavay et d'autres musées de la région pour lesquels j'ai conçu des parcours de visites accessibles aux sourds. J'y ai aussi formé du personnel aux rudiments de la langue des signes. À noter qu'aux Archives départementales du Nord, Stéphane Delame peut organiser des visites en langue des signes sur demande pour des groupes de personnes sourdes ou malentendantes.

  • 1/2 - Stéphane Delame a assuré une visite en langue des signes aux Archives départementales du Nord lors des Journées européennes du patrimoine.
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La langue des signes est une belle langue, visuelle et très imagée. S'y intéresser permet de mieux comprendre la personne sourde en découvrant son passé ou ses difficultés quotidiennes. Et si on ne sait pas "signer", il ne faut pas rester bloqué au contact d'une personne sourde : on peut toujours communiquer grâce à l'écriture.

Stéphane Delame, formateur en langue des signes et médiateur culturel

Avant notre rencontre, tous nos échanges se sont faits par mail. Car comme le dit Stéphane, il peut tout faire comme nous, sauf utiliser le téléphone. Depuis 15 ans, armé de ses compétences, de sa détermination et de son sourire, il se bat donc courageusement pour avoir une activité professionnelle viable malgré son handicap, dédramatiser la surdité en offrant aux sourds la possibilité de faire des sorties culturelles et de loisirs, créer des occasions de rencontres entre les valides et les malentendants.

Avec un seul et même objectif, valable pour tous : casser la peur de ne pas savoir communiquer les uns avec les autres.

Dire Mbappé ou Macron en langue des signes

Pour nommer rapidement et facilement les personnes, sans devoir épeler chaque lettre de leur prénom ou nom grâce à la dactylologie (l'équivalent de notre alphabet), la communauté sourde utilise des "noms-signes". Ce sont des gestes simples qui s'inspirent d'une caractéristique saillante de la personne, et permettent de comprendre tout de suite de qui on parle.
Pour "signer" Kilian Mbappé, il suffit donc de croiser ses deux bras sur sa poitrine en mettant ses mains sous ses aisselles, avec les pouces qui dépassent devant. Un geste inspiré de la manière dont le footballeur célèbre ses buts. Pour Emmanuel Macron, on fait glisser ses deux doigts d'un côté du visage, le long de l'oreille, en référence aux pattes de cheveux du Président de la République.
Mais Stéphane Delame insiste : ces noms-signes ne sont jamais péjoratifs, ils ne sont pas faits pour vexer ou se moquer, juste pour communiquer plus facilement !

Crédits photo : E. Macarez (Musée départemental Matisse), E. Benoit (Archives départementales du Nord)

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