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8 mars 2024

Maison natale Charles de Gaulle : les secrets de l'antiquaire

Il a chiné pas loin de 5 000 objets pour reconstituer l’ambiance de la maison du jeune Charles de Gaulle de la fin du 19e siècle. Johan Hennart, antiquaire à Lille, nous raconte les dessous d’une telle entreprise.

Comment avez-vous réussi à récréer cette ambiance de maison de famille sans l’avoir connue ?

Johan Hennart : Je n’avais pas de base photographique car on trouve assez peu de photos des intérieurs du 19e siècle, cela ne se faisait pas à l’époque. Alors, je me suis beaucoup inspiré de tableaux impressionnistes mais aussi des peintres de la région comme Rémy Cauge pour reconstituer une ambiance d’intérieur flamand. L’objectif était de créer un style "maison de famille" et non pas une maison d’architecte. Donc, je me suis laissé la liberté de mélanger les styles.

La grand-mère de Charles était catholique et avait une certaine rigueur, j’ai réfléchi sur une ambiance confinée, un intérieur confidentiel. Dans les grandes lignes, je cherchais à reconstituer du style Napoléon III mais je ne pouvais pas m’arrêter à une forme ou à une couleur en particulier, cela aurait limité les opportunités. 

Quel était le budget ?

Johan Hennart : Pour l’intégralité de la maison, le budget était de 100 000€, de la petite cuillère au gros meuble ! Un challenge car le début de la chine a commencé pendant le Covid. Toutes les salles de ventes étaient fermées, la braderie de Lille annulée… J’ai commencé par trouver des meubles puis des accessoires. Il fallait un lustre au gaz comme à l’origine, une méridienne également…

Avez-vous eu carte blanche pour aménager la Maison natale Charles de Gaulle ?

Johan Hennart : D’une certaine manière, oui. J’ai eu beaucoup de liberté même si j'ai travaillé en étroite collaboration avec l’équipe de la maison natale. On s’est mis d’accord sur une décoration évolutive selon les saisons, notamment dans la salle à manger et la véranda pour marquer les fêtes telles que Noël ou Pâques… et faire vivre cette maison en somme !

Avez-vous fait des trouvailles exceptionnelles ?

Johan Hennart : les boîtes à thé des années 1860-1870 viennent de la maison Meert et sont caractéristiques du Nord. L’étiquette à l’intérieur permet de les dater. En collection, c’est assez intéressant, elles ont été trouvées chez un particulier lors d’une succession. À l’époque, on fermait à clef sa boîte à sachets de thé et sa boîte à chocolats car ces produits étaient rares.

Y-a-t-il des pièces surprenantes dans la maison ?

Johan Hennart : Pour notre époque, oui… Le porte-ananas par exemple ! À la fin du 19e siècle, on ne mangeait pas d’ananas, on louait un ananas chez Meert, on l’exposait pendant le repas comme un trophée sur un piédestal. Il y a également la boîte à lithophanie de style Napoléon III qui attire l’attention. Le grand-père de De Gaulle était très branché sciences et participait aux expos universelles. C’était un objet très onéreux à l’époque que l’on trouvait chez les bourgeois pour impressionner les invités.

Trouve-t-on un objet qui appartenait au Général ?

Johan Hennart : Le cheval jupon ! Nous en avons trouvé un identique à celui que le Général avait étant petit. Dans les souvenirs familiaux, on raconte qu’à la Saint Nicolas il n’avait pas eu son cheval car il n’avait été pas assez sage, par contre il l’a reçu un mois et demi plus tard… C’est un cheval de 1880 qui s’enfile avec un drapé. Dans la véranda, nous avons ainsi reconstitué le coin des enfants avec des jouets d’époque, ils n’en avaient pas tant que ça, un par enfant environ.

Y-a-t-il une trouvaille dont vous êtes particulièrement fier ?

Johan Hennart : La vitrine hollandaise est une pièce trouvée à Lille et relativement rare, tout comme l’abat-jour lithophanique que j’ai eu plaisir à chiner, on n’en trouve pas souvent sur les marchés.  J’apprécie l’ensemble, qui est cohérent en déco.

Quels sont vos secrets de chineur ?

Johan Hennart : Quand on part en chine, on ne sait jamais ce que l’on va trouver ! Il faut rester ouvert d’esprit et ne se fermer aucune porte. Il y a un côté "chasse au trésor" très sympa et jubilatoire. Il faut avoir une bonne connaissance de l’histoire de l’art bien sûr, mais aussi des arts de vivre… Et puis, il faut négocier les prix !

Où chinez-vous ?

Johan Hennart : Je chine beaucoup sur internet dans le monde entier. Sur les sites marchands, j’ai trouvé la méridienne du salon notamment. Ensuite, je participe systématiquement à la braderie de Lille et puis je me rends à de grands déballages. Il faut faire marcher le réseau, agiter les neurones pour trouver la marchandise et aussi pour l’acheminer ! Par exemple, faire venir la grosse gazinière de Lyon a été un sacré défi, et trouver le grand lustre qui est dans le salon s’est révélé être un vrai jeu de piste !

Où avez-vous appris à chiner ?

Johan Hennart : J’ai toujours été passionné par ça, j’ai toujours chiné. Mes parents ne sont pas dans le domaine, j’ai appris sur le tas. J'ai créé un site internet de vente, je fais un grand déballage au moment de la braderie de Lille et je suis aussi acheteur pour l’émission télé Affaire conclue, ce qui permet d’avoir un spectre assez large.

Crédits photo : Hugo Poidevin

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