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21 décembre 2022

C'était comment Noël, à la fin du 19e siècle ?

Comme tous les ans à cette période, l'intérieur de la Maison natale Charles de Gaulle à Lille a revêtu ses élégants habits de lumière et de fête. La table est dressée et des jouets anciens entourent le pied du sapin. Des jouets qui ont une histoire à nous raconter… Celle d'un Noël de la fin du 19e siècle dans une famille de la bourgeoisie lilloise.

Camille Roussel est chargée de la régie et de la documentation des collections patrimoniales à la Maison natale Charles de Gaulle à Lille. Elle est aussi la commissaire de l'exposition temporaire Madame est servie... et le Général aussi ! Elle nous a dévoilé les petits secrets des fêtes de Noël d'antan, celles que Charles de Gaulle et ses cousins ont vécu dans la maison de leur grand-mère maternelle.

Ambiance de fête

Venue des pays scandinaves, la tradition du sapin de Noël s'est popularisée en Allemagne au début du 19e siècle. Dans les années 1840, la coutume allemande commence à se diffuser en France mais c'est véritablement sous le Second Empire que, favorisée par l’impératrice Eugénie, la tradition du sapin de Noël s’installe chez nous. Les Alsaciens et les Lorrains qui émigrent après la guerre de 1870 contribuent également à diffuser cette coutume.

À la fin du 19e siècle, lorsque Charles de Gaulle était enfant, l’arbre était garni de bonbons et de jouets destinés aux enfants. Les catalogues commerciaux d’époque (années 1870-1900) proposaient d'ailleurs des panoplies de petits joujoux dédiés à la décoration du sapin, mais aussi des ensembles de boules et guirlandes. Il était fréquent de placer des bougies dans l’arbre.

Dans ces mêmes catalogues de Noël, on trouve aussi de très nombreuses crèches, y compris des crèches « jouets » destinées aux enfants.

Illustration
L'arbre de Noël chez Mme Henri Ternynck, 25 décembre 1893. (Fonds Masurel, Archives départementales du Nord).

Noël avant l'heure

Marie-Agnès Cailliau, sœur ainée de Charles de Gaulle, se souvient bien des fêtes de Noël de leur enfance. Et en particulier, d'une anecdote concernant son illustre frère… Propos recueillis par Jean Mauriac (Espoir n°147, 2006)

« C’est à la Saint Nicolas, le 6 décembre – fête du Nord et de l’Alsace – que nous recevions les cadeaux. Quels merveilleux souvenirs nous ont laissés ces fêtes ! La veille au soir, nous préparions des carottes pour l’âne de Saint Nicolas et nous les disposions devant la cheminée du salon. Le lendemain, la porte était fermée à clé. Parents, enfants et domestiques, nous implorions tous : « Saint Nicolas, rendez-nous la clé ! ». La clé tombait alors comme par miracle au milieu de nous. La porte du salon s’ouvrait et nous nous précipitions en criant de joie. Nous trouvions sur les sièges les cadeaux portant nos noms : Xavier, Marie-Agnès, Charles, Jacques, Pierre.

Des enfants pas toujours sages

Je me souviens spécialement d’une Saint Nicolas, Charles venait d’avoir cinq ans. Je n’en avais pas encore sept. Il avait demandé ce que nous appelions « un cheval jupon » (dans un trou pratiqué dans le dos du cheval, l’enfant passait ses jambes qui étaient dissimulées par un volant). Il en rêvait depuis longtemps. Or nos parents avaient voulu le punir parce qu’il n’avait pas été sage. À la place du « cheval-jupon », il avait donc trouvé, sur un fauteuil, une lettre de Saint Nicolas lui expliquant qu’il n’aurait pas ce cadeau parce qu’il ne l’avait pas mérité.

Mais le message ajoutait qu’il l’aurait s’il était sage pendant un mois. Charles avait alors été le seul à ne pas avoir de jouet. Il en était mortifié et humilié. Le premier janvier, nous avions de petites étrennes et à Noël, seulement un petit cadeau et un « cramick » sorte de pain aux raisins que ma grand-mère nous envoyait du Nord et qui avait vaguement la forme d’un petit Jésus. »

La suite de l’Histoire raconte que Charles de Gaulle a finalement bien reçu son cheval jupon au mois de janvier. Un exemplaire de ce jouet typique de l'époque est visible à la Maison natale, à proximité du sapin de Noël.

Des jouets faits pour durer

A la fin du 19e siècle, les grandes enseignes parisiennes (grands magasins du Louvre, Bon Marché, Printemps) éditent des catalogues dans lesquels les jouets sont dessinés et présentés avec une petite description ainsi que leur prix. Les couvertures sont richement illustrées et exposent les jouets favoris des enfants : poupées, animaux sur roulettes, lanternes magiques, petits trains ou encore panoplies, ancêtres des déguisements d'aujourd'hui.

  • 1/3 - Extrait du catalogue des Grands magasins du Printemps, Noël 1889. (Bibliothèque Forney, bibliothèque patrimoniale de la Ville de Paris)
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Les ours en peluche apparaissent dès le début du 20e siècle, à l'instar de Teddy, célèbre nounours américain commercialisé à partir de 1903. Autre cadeau également très en vogue : les livres. Les journaux d'époque conseillent en effet d’en offrir et fournissent de nombreuses bibliographies.

Ces documents précieux ont permis à la Maison natale Charles de Gaulle de réaliser la scénographie de fin d’année visible jusque début janvier. On y découvre notamment un landau de poupée ayant d'abord appartenu à une petite fille née en 1876, avant de se transmettre de génération en génération, comme cela se faisait à l'époque. L'intérieur capitonné et la peinture noire avec le liseré de la caisse sont d’origine. Particularité intéressante et peu courante, le landau peut être poussé dans les deux sens, avec un manche en bois de chaque côté. Mais les boyaux en cuir ont disparu et les roues reposent désormais sur leurs jantes en acier.

Sapin de Noël, catalogues commerciaux, poupées, déguisements, peluches : les fêtes d'aujourd'hui et celles d'antan ont beaucoup de points communs … et si peu en même temps.

Crédits photo : Maison natale Charles de Gaulle

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