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25 novembre 2024

Avec ses œuvres, le duo B.A.B.B. porte la parole des victimes de violences conjugales

Des mots forts, des images vives, pour faire entendre les victimes et changer les mentalités. Telle est l’empreinte du duo d’artistes baptisé "B.A.B.B.". Ils nous ont ouvert les portes de leur atelier à Douai : une visite inspirante.

Être ensemble était une évidence. Peu de temps après leur rencontre, Émilie et Éric ont voulu porter des projets artistiques à deux. En 2016 débute leur collaboration : Éric avait fait de très belles photos en noir et blanc de New York. J’ai sélectionné des textes littéraires, et il a retenu certains passages pour accompagner ses clichés. Ça a commencé comme ça, raconte la plasticienne engagée.

Très vite, ils en sont venus à défendre la cause des victimes de violences conjugales. Car pour les avoir vécues, Émilie sait de quoi elle parle : J’ai connu une expérience de vie douloureuse avant de rencontrer Éric. Se reconstruire après ça est long et compliqué, c’est un parcours très personnel, il faut apprendre à se pardonner, confie-t-elle délicatement. Éric m’a beaucoup aidée, il m’a fait comprendre des choses, et il a été là pour moi, tout simplement.

En 2020 ils entament ensemble un travail autour du collage et de la photo : Tout jeune déjà, je ne supportais pas l’injustice, je trouvais ça stupide, ça me frustrait, raconte Éric. Alors quand sa compagne a ressenti le besoin de transcender son expérience douloureuse par l’art, il a souhaité travailler avec elle sur ce projet. Émilie précise : On voulait aider les victimes, faire quelque chose pour que cette expérience ne soit pas vaine. J’avais besoin de transmettre à d’autres.

Des œuvres chocs

De leur nom B.A.B.B., on ne connaitra pas la signification, elle reste secrète ! On saura juste que BA, c’est pour Eric, et BB, pour Émilie. Mais là n’est pas le message essentiel. Depuis longtemps, le couple étudie le thème égalité homme-femme, autant Éric, professeur d’arts plastiques en collège, qu’Émilie, enseignante en primaire, et écrivaine.

Les deux sont fans du travail de Marguerite Stern, artiste féministe française à l’origine des colleuses. Le collage nous parle, il fait résonnance avec les messages que l’on souhaite faire passer. B.A.B.B. expérimente différentes installations, jusqu’à trouver le bon visuel pour le bon message : Émilie pose en cachant son visage avec ses mains, devant un texte collé au mur. Les points invitent à ralentir la lecture, à se concentrer sur les mots, explique Éric. Parfois, leur petit garçon prend aussi la pose, toujours en couvrant son visage. Les enfants ne sont jamais loin de la mère dans les situations de violences conjugales : ils subissent aussi, ils sont a minima des victimes indirectes, détaille le papa.

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Les collages de BA.B.B. sur les murs de Douai

Des peintures et dessins à quatre mains servent aussi leurs textes. Dans un esprit Street art, débordant d’énergie et de couleurs, ils s’affichent aussi sur les murs.

À Lille, Douai, Paris, Barcelone et même au Touquet, leurs collages font mouche. Nous mettons des mots sur tout ce que la société ne veut pas voir, sur tout ce qu’elle met sous le tapis, précise Émilie. Aujourd’hui ça commence à changer, mais pendant longtemps, la parole des femmes et des enfants ne valait rien. Beaucoup trop de femmes se sont fait retirer la garde de leurs enfants parce qu’elles ont dénoncé la violence dans leur foyer, poursuit-elle. Le duo reçoit beaucoup de messages de soutien, leurs œuvres parlent à de nombreuses victimes.

Des projets engagés

Leur dernier bébé est un peu différent : Ces derniers mois, nous avons beaucoup travaillé sur la création d’un jeu. Une sorte de parcours-labyrinthe qui comprend sept situations différentes. Le but du jeu : aider la victime à s'en sortir et à remporter son procès, explique Émilie. Maître Reisenthel, avocat à Douai, les a accompagnés lors du processus de création. C’est un outil de débat, on l’a testé plein de fois. Les retours sont très bons, c’est encourageant, sourit Émilie.

En ce moment, 40 photos et 5 dessins sont exposés à la Maison de l’Avocat, à Amiens. Le jeu fait aussi parti du voyage, les professionnels peuvent ainsi se familiariser avec.

Pour le 25 novembre, Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, les artistes vont aussi exposer quelques œuvres dans les vitrines des commerces de Douai. Et leurs projets ne s’arrêtent pas là : On souhaite aller vers les lycéens. L’an prochain, nous irons par exemple à Somain, annonce Émilie. Nous aimerions aussi travailler plus avec les Mairies, qu’elles nous permettent de porter nos messages dans les rues, au plus près des gens, poursuit son conjoint.

Il y aura aussi des projets autour du 8 mars, lors de la journée internationale du Droit des femmes. Car vous l’aurez compris, ce duo ne s’arrête jamais. Ils ont fait de leur art une arme contre les violences intrafamiliales, pour faire bouger les mentalités, et faire en sorte, que tout au long de l’année, ce fléau ne passe pas sous silence.

Crédits photo : C.Arnould / BA.B.B.

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