Arcade s’est développée un peu partout en France au début des années 90 sous l’appellation « Solidarité Paysans », à l’initiative d’agriculteurs qui souhaitaient développer la solidarité entre agriculteurs face aux difficultés.

Arcade est née dans la foulée en élargissant ses missions auprès d’un panel plus large de professions. Composée d’une dizaine de salariés et d’une trentaine de bénévoles, l’association, soutenue financièrement par le Département du Nord, constitue aujourd’hui un maillon essentiel de lutte face au mal être agricole.

Comment soutenez-vous les agriculteurs ?

Xavier Bonvoisin : Quand ils nous appellent, nous sommes souvent considérés comme leur dernier recours. Nous démarrons un accompagnement mené par un binôme salarié/bénévole de l’association. Nous proposons de l’aide aux démarches administratives, des rencontres avec les créanciers, des formations, un accompagnement juridique et humain avec, si besoin, l’orientation vers des professionnels de santé.

Ce suivi dure entre deux et cinq ans en moyenne, mais chacun décide de son rythme et de ses besoins. La confidentialité est une règle de base ainsi que le non jugement. Notre objectif est de conserver des exploitations viables humainement et économiquement. Sans oublier que derrière l’agriculteur, il y a bien souvent toute une famille que nous prenons en compte également.

Parfois, il est déjà trop tard pour sauver l’exploitation et notre rôle est alors de leur ouvrir des portes et un nouvel horizon.

Les revendications exprimées par le monde agricole, vous les entendez aussi ?

Xavier Bonvoisin : Nous avons senti ces dernières années monter cette vague de colère chez les agriculteurs : un ras-le-bol administratif croissant, un manque de revenus criant, un épuisement professionnel de plus en plus prégnant… Les agriculteurs ont le sentiment de subir des orientations politiques ainsi que des changements de pratiques. Ils se sentent souvent isolés face à leurs problèmes et se renferment. Nous les accompagnons pour les aider à se sortir des difficultés financières, juridiques ou administratives.

Quels sont les profils des professionnels qui vous appellent ?

Xavier Bonvoisin : 85% sont agriculteurs et 15% sont artisans, commerçants ou profession libérale. Chaque année, nous avons 60 à 70 nouveaux arrivants. S’agissant des agriculteurs, nous accompagnons tous types d’exploitation. Dans 75% des situations, ils décident de poursuivre leur activité. Deux tiers des accompagnements se fait dans des élevages : leur investissement quotidien en flux tendu et le manque de reconnaissance amènent beaucoup de souffrance. En grandes cultures également, il nous arrive d’aider des exploitations familiales avec des problèmes de surendettement ou de conflits entre associés qui n’ont pas la même vision de l’avenir.

Et au final des belles histoires ?

Xavier Bonvoisin : Oui, heureusement ! Comme celle de cet agriculteur d'une ferme familiale en grande difficulté financière qui n’avait pas le sentiment d’avoir choisi son métier, et subissait les dettes. Nous l’avons accompagné dans l’étalement de ses dettes et aidé à retrouver une autonomie dans sa gestion administrative. Il a repris confiance en lui, il a décidé de céder son exploitation pour en devenir salarié, et aujourd’hui il fait partie de la troupe de théâtre de notre association. Il n’avait aucune confiance en lui et désormais il monte sur scène !

J'ai aussi en tête l'histoire d'un producteur de lait qui suite à une mise aux normes très importante et onéreuse a tiré sur sa trésorerie et s’est très vite retrouvé en impossibilité de payer ses prêts. L’association lui a conseillé de se placer sous protection de la justice, en redressement judiciaire, nous avons travaillé ensemble sur un plan de continuation et aujourd’hui, il a déjà remboursé la moitié de son plan.

Quels sont les prochains défis du monde agricole selon vous ?

Xavier Bonvoisin : Le changement climatique est sans doute le principal. Il amène de nouveaux défis pour les agriculteurs : inondations et sécheresse fragilisent les cultures. C’est comme une épée de Damoclès dont on ne peut plus faire abstraction aujourd’hui, que l’on doit affronter et qui ajoute de nouvelles difficultés.

Nous abordons ces changements climatiques comme un levier pour faire évoluer les pratiques et les exploitations.