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10 février 2024
Du bureau aux fleurs : une jeune Nordiste se lance dans l'agriculture !
Après une première expérience professionnelle comme ingénieure en recherche appliquée, Eloïse Gave, 27 ans a rejoint la ferme horticole de son père à Clary. Elle s’apprête à reprendre les rênes de l’entreprise familiale. Rencontre.
Reprendre l’exploitation familiale, c’était une évidence ?
Eloïse Gave : Absolument pas ! Même si j’étais très attachée au milieu agricole puisque j’ai grandi à la ferme, je ne savais pas que ça deviendrait mon métier. Après le Bac, je suis entrée à l’école d’ingénieur UniLaSalle Beauvais, dans un cursus alimentation et santé. Je voulais guérir les gens par la manière de les nourrir. Et puis j’ai eu un déclic, j’ai bifurqué dans le cursus agricole. Pour mon premier job, j’ai voulu travailler dans les productions végétales. Je suis partie en Normandie dans un institut technique agricole comme ingénieure régionale : je faisais de la recherche appliquée en agriculture chez Arvalis, un organisme financé par les agriculteurs.
Quel a été le déclencheur ?
Eloïse Gave : J’ai beaucoup appris sur l’environnement professionnel et sur les enjeux entre les différents acteurs du monde agricole pendant trois ans. Mais ce rythme de vie ne me convenait plus. Je n’étais pas faite pour le monde salarié. J’avais besoin d’être autonome, de travailler de mes mains, de savoir pourquoi je me lève le matin. J’avais envie de plus de flexibilité et non pas de moins de travail ! Alors avec mon conjoint, nous avons décidé de quitter nos boulots, de vendre notre maison en Normandie et de revenir dans le Cambrésis, dans la ferme où j’ai passé toute mon enfance.
Aujourd’hui, quel est votre rôle à la ferme ?
Eloïse Gave : Je m’occupe de l’atelier d’horticulture pour la majorité de mon temps. 80% de notre production de fleurs se fait en serres. Nous avons 450 variétés de plantes et 40 références de légumes. L’objectif est de faire grandir les plantes pour qu’elles soient prêtes à fleurir. Chaque végétal a son rythme, ses exigences. Je gère la production de plantes avec un salarié mais également la partie commerciale, la gestion avec les clients, particuliers ou collectivités. Le reste de mon temps est consacré aux travaux dans les champs.
L’horticulture, est-ce un domaine concurrentiel ?
Eloïse Gave : Oui ! Nous sommes très proches de la frontière, donc nous ne pouvons pas proposer des prix deux fois plus chers qu’en Belgique. La concurrence est rude, notamment face aux supermarchés. Notre force est de proposer un produit qui a grandi chez le producteur. Je passe parfois une heure avec mes clients pour les aider à composer leurs jardinières et leur apporter des conseils : c'est notre point fort !
Comment avez-vous pris votre place dans une entreprise jusqu’à présent tenue par des hommes d’expérience ?
Eloïse Gave : L’entreprise est effectivement tenue par mon père et mon cousin depuis des années. J’ai toujours évolué dans le milieu agricole donc je connais ! Il faut de la force de caractère et ça tombe bien, j’en ai ! Mon environnement reste bienveillant avec moi. Sur la répartition des tâches, les choses sont claires, nous sommes complémentaires et ça fonctionne bien. Mon père commence à lever le pied progressivement. Sur le processus de transmission, nous sommes en pleine réflexion.
Prendre les rênes d’une entreprise à 27 ans, n’est-ce pas impressionnant ?
Eloïse Gave : Si évidemment, il y a une grosse pression… L’envie de réussir, d’y arriver. Je veux que mes salariés se sentent bien dans mon entreprise, conserver la réputation auprès de notre clientèle, maintenir un niveau d’exigence et puis trouver le bon équilibre entre vies professionnelle et personnelle. Quand on est jeune et qu’on reprend du capital dans une entreprise, forcément, on s’endette… C’est un vrai plan de vie. Pour faire les bons choix, nous nous faisons accompagner par un conseiller privé et avec mon statut de jeune agricultrice, je vais également rentrer dans un processus aidé.
Pour être jeune agricultrice en 2024, vous diriez qu’il faut…
Eloïse Gave : Avoir les pieds sur terre ! Nous sommes chef d’entreprise avant tout. Il faut gérer les salariés et leur sécurité, être un bon gestionnaire financier, ne pas se laisser déborder par le quotidien, avoir une vision à long terme. Bref, jongler entre de multiples casquettes ! Quand on est jeune, on aimerait tout révolutionner mais il faut d’abord faire tourner l’entreprise et lui assurer une pérennité avant de vouloir mettre en place de nouveaux projets.
Justement, vous imaginez quoi pour l’avenir de l’entreprise ?
Eloïse Gave : Le premier projet sera la rénovation de notre outil de travail : rénover les serres qui ont plus de 35 ans. Avec un outil plus performant, je gagnerai du temps et du confort de travail. J’aimerais faire monter en puissance notre commerce qui a encore du potentiel non exploité, avoir une boutique ouverte toute l’année pour générer de la valeur ajoutée. Dans mes rêves les plus fous, j’aimerais faire de la fleur coupée made in France. Aujourd’hui, les fleurs coupées viennent du bout du monde avec un bilan carbone désastreux… Ce serait un sacré défi de réussir à cultiver des fleurs en serre toute l’année dans le Nord !
Crédits photo : Dominique Lampla