Séniors | Métropole
16 septembre 2022
Ama Vitae : des maisons partagées pour les personnes touchées par la maladie d'Alzheimer
Depuis près d’un an, une colocation d'un nouveau genre s'est installée dans le quartier de la Maillerie entre Villeneuve-d'Ascq et Croix. Des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer vivent ensemble, dans un environnement favorisant autonomie et lien social.
Dans la cuisine, Stéphanie et André terminent leur café. Ils ont prévu de faire un tour dans le quartier, où commerces et loisirs fleurissent à vue d'œil. Ils viennent d'ouvrir les halles, on va faire quelques courses !
, raconte cette pétillante maman de deux enfants.
Cela fait presque trois mois que son papa a emménagé ici, au 248 rue Jean-Jaurès à Villeneuve-d'Ascq, avec 7 autres personnes. Une colocation inédite, qui propose une nouvelle manière d'accompagner la maladie d'Alzheimer. Papa a été diagnostiqué il y a six mois. Il vivait seul et j'ai naturellement pris la place d'aidante... jusqu'au jour où j'ai dû dire stop
, explique Stéphanie.
Accompagnée par une plateforme d'accompagnement et de répit, la Maison des aidants à Roubaix, elle cherche une solution qui leur conviendrait à tous les deux. C'est alors qu'elle entend parler du projet Ama Vitae.
Prendre en compte les compétences avant les carences
Inspirées du modèle québecois Carpe Diem, les maisons Ama Vitae sont...des maisons.
Ici, chacun a sa chambre et se retrouve, s'il le souhaite, dans le grand salon ou la cuisine. C'est une maison autonome, non médicalisée, une colocation presque classique en somme ! Elle s'adresse aux personnes qui sont à un stade précoce ou modéré de la maladie. L'objectif est de les accompagner sans contrainte et sans enfermement
, précise Sarah Parmentier, directrice des maisons Ama Vitae au sein du groupe Orchidées.
Pour répondre à cette volonté de libre circulation, pas d'ascenseur dans la maison mais des escaliers, qui permettent aussi une stimulation motrice. Par ailleurs, aucune porte n'est verrouillée. Les locataires peuvent sortir pour se balader ou faire des courses. Six intervenantes leur apportent un soutien pour les actes du quotidien. Elles organisent aussi des activités et des sorties chaque jour. Une personne de l'équipe porte un bracelet connecté l'informant en discrétion qu’une personne quitte la maison
, complète Sarah Parmentier.
Quand je viens ici, je me sens chez mon père. Depuis son arrivée, il s'est transformé. On partage de vraies activités, de vrais moments de complicité. Il n'y a plus de charge mentale. J'ai retrouvé ma place de fille.
C'est cet environnement familial et respectueux des envies de chacun qui a également séduit Isabelle. Anciennement aide-soignante, elle vivait avec son beau-père, sa fille et son mari Daniel, 57 ans, à la tête d'une exploitation agricole. Daniel a d'abord été soigné pour dépression. Et puis le verdict est tombé. Avec mon métier, je savais ce qu'était Alzheimer. On peut croire que j'étais préparée pour l'aider mais ce n'est jamais pareil quand on le vit.
Épuisée physiquement et psychologiquement, Isabelle est accompagnée par la Maison des aidants de Lille. Depuis le 1er novembre, elle occupe avec Daniel un appartement autonome situé au 2e étage de la maison. Aujourd'hui, leurs petits-enfants sont venus passer la journée. C'est l'une des richesses du projet. La maison est conçue pour pouvoir recevoir les proches des locataires s'ils viennent de loin et veulent leur rendre visite. Il y a donc une chambre d'hôte et aussi une chambre d'étudiant
, précise Sarah Parmentier.
Une deuxième maison au printemps
Bientôt, de nouveaux locataires emménageront dans la maison voisine, au 250. Elle sera aménagée de la même manière : 8 chambres individuelles, un appartement au second étage pour un couple ou des proches en visite et une chambre d'étudiant.
Comme pour Didier, Isabelle et Daniel, l'accueil des personnes se fera progressivement. Les intervenantes les rencontreront d'abord à domicile, puis ils viendront plusieurs demi-journées et des journées complètes à la maison.
Un jardin partagé de 650 m², avec chèvres, poules et carré potager, sera aménagé pour continuer à créer du lien dans le quartier. Toute l'idée de l'approche développée par Carpe Diem, c'est de mieux vivre l’évolution de la maladie en maintenant l’utilité de la personne et en préservant ses capacités le plus longtemps possible. Un modèle qui fait ses preuves au Québec depuis plus de 20 ans, alors pourquoi pas ici ?
, demande Sarah Parmentier.
Une question à laquelle le Département du Nord répond positivement, en soutenant le projet Ama Vitae depuis son lancement : 48 000 euros ont été investis pour adapter l'habitat et 70 000 euros pour la domotique. Une subvention de 17 500 euros a également été accordée en 2021 pour l'animation du lieu.
Crédits photo : Philippe Houzé