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26 mars 2025

Une incroyable découverte au Forum Antique de Bavay

Le 12 mars dernier, un vestige de maroilles a été mis au jour à proximité du Forum antique de Bavay. Il remet en question toutes les connaissances acquises jusque-là… Explications.

De mémoire de scientifique, on n’avait jamais vu ça ! À proximité du site archéologique de Bavay était enfoui, depuis près de 2000 ans, un produit du cru, que vous connaissez bien pour être habituellement placé à votre table…

Ce sont les archéologues du Département qui ont fait l’incroyable découverte la semaine dernière, lors d’un sondage précédant une nouvelle campagne de fouilles archéologiques : On sondait le site depuis plusieurs jours quand on a senti une légère odeur sur notre zone de recherche. En dégageant un peu la terre, on a trouvé une jarre intacte, au creux de laquelle gisait un pavé. On a d’abord cru à de la pierre bleue antique, et puis en le passant au pinceau, on a très vite compris qu’il s’agissait d’un fromage !, témoigne Odile Laquetauze, spécialiste de l’époque gallo-romaine.

  • 1/2 - Odile Laquetauze, archéologue au Département, a participé aux fouilles
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Des analyses rigoureuses

Précieusement emballé, le spécimen a voyagé jusque Paris, au Centre de Recherche et de Restauration des Œuvres de France (C2ROF), pour être radiographié, nettoyé et analysé plus en profondeur, sous la surveillance de l’archéologue nordiste. Les premières analyses ont replacé le pavé à l’époque romaine, aux alentours de l’an 100 ap. J.-C. Aussi, les tests ont vite révélé qu’il s’agissait d’un vestige de maroilles : Cela est cohérent, l’origine géographique correspond bien au bassin de vie des habitants de Bagacum (l’ancien nom donné à la commune de Bavay), renchérit la scientifique.

Pierre-Alma Rouhal, chercheur à l'Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et la Nature (INRAAN), au Centre des sciences du goût et de l'alimentation à Metz, a été appelé en renfort pour valider cette théorie : Ça ne fait aucun doute, nous avons prélevé un échantillon et l’avons soumis à différents tests physico-chimiques, puis organoleptiques. Les analyses ont révélé une composition très proche de celle du maroilles que nous connaissons aujourd’hui, explique-t-il. Le microbiote étant resté intact, les scientifiques ont pu sentir et goûter le produit : Notre testeur a levé nos derniers doutes lorsque sa langue est restée collée au palais et qu’il s’est évanoui…ajoute-t-il en plaisantant !

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Pierre-Alma Rouhal, chercheur à l'INRAAN, s'est rendu au C2ROF à Paris pour épauler l'équipe de scientifiques

Différentes théories

Françoise Croutellavez, chercheuse-anthropologue au Centre Français de Recherche Scientifique (CFRS), a rejoint l’équipe pour l’occasion. Emballée, elle émet déjà quelques hypothèses : On pensait que le maroilles était né au 10e siècle pour nourrir les moines de la région, mais il pourrait s’agir d’une offrande aux dieux romains, ou le symbole d'une alliance commerciale ou d'une fête importante… peut-être était-il servi lors de banquets organisés par les Nerviens, c’est encore trop tôt pour le dire. Ce qui est certain, c’est que cette découverte remet en question tout ce qu’on savait sur les pratiques culinaires de l’époque !

En attendant, le précieux fromage devrait en toute logique recevoir le titre officiel de plus vieille AOP de France, coiffant au poteau le Roquefort qui l'avait obtenue en 1925.

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Françoise Croutellavez, chercheuse-anthropologue au CNRS, est impatiente d'étudier cette incroyable découverte

Le vestige de maroilles reviendra d'ici quelques semaines là où il a été découvert, au Forum antique de Bavay. Il sera exposé dans une armoire frigorifique le temps de l’exposition Ils sont food ces Romains !, puis retournera dans sa jarre d’origine avant d’être de nouveau enfoui sous terre. Petit bémol cependant : les archéologues départementaux ne manqueront pas d’ajouter dans cette capsule temporelle un message pour leurs collègues du futur : Chalut biloute, v’là l'rechette d'el tarte au maroilles, tu peux l'déguster aveuc eun' bière d'abbaye, ch' t'in plaiji qu't'es point là d'oblier !

Crédits photo : Isabelle DALLE / istock

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