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23 mars 2021
Un jour, une œuvre : Une mathématicienne dans cet étrange univers
Le Forum départemental des Sciences nous propose de découvrir la biographie d'une femme du Nord d’exception, brillante mathématicienne : Yvonne Choquet-Bruhat. Elle démontre que le monde universitaire scientifique n'est pas réservé qu'aux hommes.
Yvonne Choquet-Bruhat a écrit et fait paraître sa biographie, Une mathématicienne dans cet étrange univers, en 2016 aux éditions Odile Jacob, afin de partager avec les générations actuelles son expérience de femme scientifique.
Née à Lille en 1923, elle est la fille de Georges Bruhat, physicien de renom, professeur à l’École normale supérieure de Paris, déporté et mort tragiquement au camp de Buchenwald. Sa mère, Berthe, est professeur agrégée de philosophie. Son frère, François, est un brillant mathématicien, directeur du département de mathématiques de l’université de Paris.
Yvonne obtient le baccalauréat en 1941. Son père essaie alors de la décourager d’entamer des études de médecine, le métier lui paraissant trop prenant pour elle. A l’époque, la tradition établie veut que les femmes se consacrent à l’éducation des enfants : « Mais moi, j’aimais vraiment les sciences et je réussissais » dira-t-elle plus tard. Elle se tourne alors vers les mathématiques, et en 1946, elle est reçue première à l’agrégation.
Quand elle rejoint l’université de Marseille en 1953 comme maître de conférences, elle y est la seule femme. À l’époque, les femmes n’envisagent pas de se lancer dans une carrière scientifique : ce n’était pas bien vu et elles ne pensaient pas en être capables. « Et les hommes n’aiment pas que des femmes soient plus brillantes qu’eux », ajoute la mathématicienne.
Yvonne Choquet-Bruhat suit les cours de Jean Leray, un mathématicien français de renom qui l’invite à le suivre en tant qu’assistante quand il part à Princeton, aux États-Unis. Elle y rencontrera Albert Einstein, en 1951 : « Il m’a demandé de lui exposer ma thèse, basée sur sa théorie de la relativité générale, en français, me disant qu’il me répondrait en anglais. À la fin de mon exposé, il m’a dit que je pouvais venir le voir quand je le voulais. Albert Einstein était un homme vraiment bienveillant. »
Cette grande scientifique enseignera dans de prestigieuses facultés jusqu’à sa retraite, en 1992. Ses travaux sont récompensés par la médaille d’argent du CNRS en 1958. En 1979, elle devient la première femme élue à l’Académie des sciences depuis la création de cette institution, en 1666. Elle est nommée Grand-croix de l’ordre national du Mérite en 2012 et Grand-croix de la Légion d’honneur en 2015.
A-t-elle été freinée dans son parcours par le fait d’être une femme ? « Je n’ai pas eu de problème dans ma carrière, mais mes promotions ont peut-être été plus lentes à venir que si j’avais été un homme. » Aux jeunes filles d’aujourd’hui qui voudraient se lancer dans une carrière scientifique, elle conseille : « Si vous aimez cela, n’hésitez pas, lancez-vous. »
Crédits photo : B. Eymann - Académie des sciences / couverture du livre : éditions Odile Jacob