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6 décembre 2024
Noël 1914 : quand les ennemis fraternisaient sur le front
Les trêves de Noël survenues au début du premier conflit mondial sont longtemps restés méconnues. Il y a 20 ans, le réalisateur nordiste Christian Carion en un fait un film - Joyeux Noël - à (re)découvrir chez vous, ou en musique à l'Orchestre National de Lille. Il nous a raconté la genèse de son long métrage.
Quand on parle de trêve de Noël, on parle de fraternisation entre belligérants sur la ligne de front au cours du mois de décembre 1914. Et plus spécifiquement aux alentours de Noël de cette même année. Si aujourd’hui, ces événements sont connus d’une grande partie du public, il en va différemment au début des années 2000, où ce sujet était plus confidentiel.
Christian Carion, réalisateur, a découvert le sujet en lisant l'ouvrage Batailles de Flandres et d’Artois 1914-1918 de Yves Buffetaut (éditions Tallandier), et plus particulièrement le chapitre intitulé L’incroyable Noël 1914. Quand j’ai appris que ça avait existé, je suis tombé de l’armoire
, se souvient-il.
Français, Britanniques et Allemands, qui ont laissé femmes et enfants à l’arrière, décident, à l’approche du 25 décembre, de faire une pause dans les combats. Ils quittent alors les tranchées et s’aventurent dans le no man’s land pour des échanges de souvenirs et de nourriture. Très vite, j’ai su qu’il y avait un film à faire, mais je ne savais pas par quel bout le prendre. J'avais la situation, mais pas l’histoire
, poursuit le réalisateur.
"Des trains de sapins, et des convois de caisses de whisky"
Christian Carion entreprend alors des recherches pour comprendre ce qu’il s’est réellement passé lors de ce premier Noël sur le front. Sont évoqués des parties de football, des cérémonies d’enterrement ou encore des échanges de prisonniers… Ces trêves de Noël ne concernent que quelques secteurs le long des zones de combat, et n’ont pu exister que grâce à la bonne volonté des différents corps qui se faisaient face.
Lors de la mobilisation en août 1914, tout le monde était persuadé que la guerre ne durerait que quelques semaines. On parlait, à cette époque, de "guerre éclair" qui serait finie en décembre ! Mais ça n'a pas du tout été le cas : c’est la raison pour laquelle les états-majors ont veillé à ce que leurs hommes passent un Noël (presque) comme à la maison. Les Allemands ont fait livrer des trains de sapins, les Écossais des convois de caisses de whisky…
La musique comme langage de paix
En poussant plus loin ses investigations, notamment dans les archives militaires à Londres et à Paris, le réalisateur met la main sur des récits de soldats qui ont vécu ces trêves. Il découvre que c’est la musique qui a offert aux différents protagonistes la possibilité de sortir de leurs tranchées. Les Allemands ont chanté "Stille Nacht" (Douce Nuit), et en face, ça a répondu
, détaille-t-il. Tout à coup, le no man’s land, qui était habituellement une zone de mort, ne l'était plus ! C’est la musique qui a fait l’arc, alors très tôt, j’ai su que Joyeux Noël serait un film musical
.
La trêve de Noël aura à nouveau lieu l’année suivante sur certains secteurs du front, mais de manière moins répandue qu’en 1914. D’abord en raison de la rudesse et de l’intensité des combats qui minent davantage le moral des troupes, mais aussi parce que les responsables militaires sont moins tolérants avec ce genre d’initiatives. En 1916, la guerre se fait encore plus dure. Les rancœurs s’exacerbent avec les pertes humaines de plus en plus conséquentes. Clap de fin pour les trêves de Noël.
Le Nouveau Siècle célèbre les 20 ans de Joyeux Noël
Quand Elizabeth II, reine d’Angleterre, se rend au mémorial de Vimy en 2007 pour célébrer le 90e anniversaire de cette bataille de la Première Guerre mondiale, elle choisit l’Hymne des fraternisés pour son arrivée sur la butte
, se rappelle Christian Carion. Cette musique, écrite spécialement par le compositeur Philippe Rombi pour Joyeux Noël, sera jouée en direct au Nouveau Siècle avec les autres morceaux du film lors d'un ciné-concert unique. Plus de 130 musiciens et interprètes seront présents sur scène pour célébrer les 20 ans de ce long-métrage au succès planétaire, qui évoque l’histoire incroyable de la trêve de Noël de 1914. Philippe Rombi avait également composé à cette occasion son propre Ave Maria… Frissons garantis !
, a prévenu le réalisateur.
Ciné-concert symphonique le mercredi 8 janvier à 20 h dans l’auditorium du Nouveau Siècle à Lille. Deux heures, sans entracte, de 28 à 36 euros.
Crédits photo : Nord-Ouest Production