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29 mars 2024

Massacre d'Ascq : le Nord se souvient

Dans la nuit du 1er au 2 avril 1944, 86 civils sont exécutés par des militaires allemands à Ascq, grand bourg de 3500 habitants. 80 ans après, retour sur cet événement de la seconde guerre mondiale qui a marqué le territoire et les Nordistes.

Parti de Baisieux à 22h34, un convoi allemand se dirige vers Haubourdin. À son bord : 1200 hommes d'une unité SS en provenance du front russe. 22h45. Alors que le train arrive à hauteur de la cabine d'aiguillage d'Ascq, grand bourg de l'arrondissement de Lille, le train est stoppé par une explosion. Un sabotage orchestré par la Résistance française, qui ne fera aucun blessé. 

Les militaires allemands, pris d'une rage folle, se dirigent vers le bourg. Ils tuent des innocents dans les habitations, regroupent des otages sur le lieu du sabotage et les exécutent, pillent les maisons, maltraitent les femmes et les enfants. Le maire, Georges Delebart, est sorti de chez lui et conduit au quatrième peloton d'exécution.

Des représailles d'une violence inouïe, perpétrées de 23h à 2h du matin.  

Vous aussi, monsieur le maire, vous serez fusillé

Soldat S
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Georges Delebart témoigne de la brutalité des événements : "c'est alors que l'interprète me déclara, venant de son officier et en me frappant sur l'épaule : «Vous aussi, monsieur le maire, vous serez fusillé». Et à ce moment-là, je reçus un formidable coup de pied dans les reins qui me lança dans le groupe de civils qui attendaient le départ pour l'exécution."

Des coups de sifflet retentissent. Le cauchemar est terminé. La Feldgendarmerie, police allemande militaire, intervient. Les survivants sont sommés de rentrer chez aux le plus rapidement possible. 86 hommes, entre 15 ans et 74 ans, ont péri. 

Illustration
Cérémonie de funérailles des massacrés.

Très rapidement, la nouvelle des événements se répandent dans le Nord. Un élan d'indignation et de solidarité de met en place. Le 3 avril, les salariés de l'entrepôt SNCF d'Hellemmes arrêtent le travail. Les journaux locaux refusent de publier un communiqué des autorités allemandes faisait état de "coups de feu tirés de par les habitations" pour justifier le massacre.  Le Front National appelle à la grève et le 5 avril, plus de 60 000 salariés cessent le travail. C'est la plus grande manifestation en France sous l'occupation. A 11h30, plus de 20 000 personnes assistent aux funérailles.

Quelques semaines plus tard, des résistants d'Ascq, issus du groupe "la Voix du Nord", sont arrêtés. Ils sont jugés par les autorités allemandes et condamnés à mort pour le sabotage du 1er avril. Ils sont exécutés le 7 juin au Fort de Seclin.  

Un procès contre les SS 5 ans plus tard

Dès la Libération, une enquête est diligentée pour retrouver et mettre en accusation les soldats SS à l'origine de la tuerie. Cette recherche aboutit en 1949 par la mise en accusation de 17 militaires, dont 9 seulement seront présent à leur procès en août 1945, au palais de Justice de Lille. 

Le 6 août, ils sont tous condamnés à mort, à l'exception d'un, condamné aux travaux forcés pour 15 ans. Le 20 juillet 1955, le Président René Coty commue leurs peines en travaux forcés. Le massacre d'Ascq a fait l'objet jusqu'en 2019 de nouvelles enquêtes en France et outre-Rhin. 

Le nom de Villeneuve en hommage

80 ans après, le souvenir des massacrés d'Ascq est toujours vivace dans le mémoires des Nordistes. Quand il a fallu trouver un nom à la ville nouvelle qui regroupe Ascq, Annappes et Flers-lez-Lille, Villeneuve-en-Flandres est d'abord envisagé. Mais en 1970, les autorités, poussées par les habitants d'Ascq, choisissent finalement Villeneuve d'Ascq, en hommage à cette page de l'histoire de la commune. 

Un mémorial, inauguré en 2005, est aujourd'hui installé sur les principaux lieux du massacre. Il rappelle les événements des 1er et 2 avril 1944, informe sur la situation des civils sous l'occupation et souhaite porter un message de paix, de tolérance et de fraternité entre les hommes. 

Une exposition temporaire

Jusqu'au 12 avril, à la salle Pierre-et-Marie-Curie, découvrez l’exposition «Massacre d’Ascq, 80 ans», qui relate, via des panneaux, des objets, des vidéos, des textiles, des documents… ce fait historique, met en lumière les 86 victimes et explique comment la tragédie a construit en partie l’identité de la ville. On y découvre, point central de l’expo, la fresque collaborative réalisée par des scolaires et les membres du Conseil des Jeunes. 

Crédits photo : D. Lacroix, Archives départementales du Nord, Mémorial d'Ascq 1944

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