Handicap | Métropole
18 février 2021
Marie Hespel, ou l'illettrisme vaincu par le chant
Marie Hespel, 25 ans, originaire de Wattrelos, a participé aux sélections de l'émission The Voice, jusque Paris. Elle a manqué la sélection finale d'un cheveu. Avec un parcours atypique : l'illettrisme. Rencontre avec une famille très soudée.
Avec sa participation à l'émission The Voice, Marie est une star maintenant.
Mais c'est Claudine, sa mère, par ailleurs assistante familiale du
Département, qui prend la
parole d'emblée : Pendant ma grossesse, mon mari et moi avons
perdus nos 4 parents. En une année. C'était en 1995. C'était un
très grand choc. On pense que cela a du jouer sur le développement
de Marie.
Toute petite, la petite Marie pleurait tout le temps, puis s'est repliée, renfermée sur elle-même, et à l'école elle avait de grandes difficultés.
A 10 ans, je ne connaissais pas l'alphabet
Marie se souvient : J'étais la
risée de l'école. On me violentait. Je ne parlais pas, je ne retenais
rien. Je faisais un blocage. A 10 ans, je ne connaissais
pas l'alphabet, si bien que je ne savais ni lire, ni écrire. Je n'y
arrivais pas. J'ai du consulter des orthophonistes, des psychologues,
en France et en Belgique, et j'ai appris la langue des signes. C'est
souvent comme ça que je communiquais. Encore, à la maison ça
allait, mais dès que j'étais à l'extérieur, je me bloquais
.
Le chant, un déclic
J'ai arrêté mes études assez tôt, vers
16 / 17 ans, avec quand même 17 de moyenne en Anglais
, confie
aujourd'hui Marie, qui aimait aussi l'Histoire.
Comme le chant était devenu ma
passion, j'ai suivi des cours à
l'EF2M de Tourcoing où ils m'ont
tout appris du chant, de la maîtrise de la scène, j'ai touché de
plusieurs instruments de musique.
Le chant m'a sauvé la vie !
Avec le langage des signes, j'ai appris à déchiffrer petit à
petit les paroles des chansons que je chantais, même si je n'en
comprenais pas toujours le sens.
Puis Marie devient technicienne de surface dans des établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Elle y tient la cafétéria l'après-midi. Et elle chante, toujours et encore, derrière le comptoir. Au plus grand bonheur des résidents.
J'égaye les journées des personnes âgées qui m'ont beaucoup encouragée
, dit Marie,
qui chante aussi à destination des personnes handicapées de tous
âges.
The Voice, un tremplin
A Paris, Marie ratera la sélection d'un cheveu. Le jury ne se
retournera pas, même si après coup, elle a eu des mots d'encouragement très
touchants des chanteurs Marc Lavoine ou Vianney, une fierté
,
commente-t-elle maintenant.
Après la diffusion de l'émission, le 6 février
dernier, on m'a déjà demandé des autographes et des selfies à
Wattrelos et ailleurs !
, raconte la jeune femme qui avec son
père, a créé l'association Elevetavoix, qui promeut l'autonomie, via la reprise de
chansons d'hier et d'aujourd'hui.
Je chanterai toujours !
Derrière les consoles du studio que
lui a installé son père Philippe, à l'arrière du jardin familial,
où Nina, le berger allemand, n'a pas le droit de cité, Marie se
remémore : Je ne regrette pas, j'ai eu de supers commentaires,
c'est un rêve de petite fille, et je pense vraiment retourner à The
Voice cette année. Et je chanterai toujours !
Une belle histoire de vie, qui ne fait que commencer.
Crédits photo : Philippe Houzé