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4 mars 2025
"Le carnaval, c’est un patron qui fait la fête avec son employé"
Jean-Claude Bouteille, vice-président de l’association Jeune France, organise chaque année le bal des Gigolos Gigolettes. Plongeon au cœur des coulisses de la plus ancienne association du carnaval de Dunkerque.
Pouvez-vous nous présenter votre association ?
Jean-Claude Bouteille : La Jeune France, c’est un chœur d’hommes, créé il y a 160 ans. Il y en a très peu en France. Au total, il doit y en avoir quatre dans la région. Nous sommes une cinquantaine de bénévoles, tous réunis autour de la passion du chant.
Notre chorale est classée dans la catégorie la plus élevée de la fédération nationale, la division d’honneur. Dernièrement, nous avons interprété un florilège d'airs d'opéra pour chœur d'hommes en l'honneur de notre anniversaire. Nous montons aussi des spectacles de variété française en s’appuyant sur de grandes personnalités de la musique, comme Jacques Brel.
Tous les ans, nous organisons le bal des Gigolos Gigolettes. On est fiers de montrer qui nous sommes et nous sommes des Dunkerquois !
Comment prépare-t-on un tel événement ?
J-C. B. : C’est une vraie course contre la montre ! Il y a plein de choses auxquelles on doit penser : l’orchestre, les éclairages, les décors… Certains mettent cinq jours à préparer la salle du Kursaal. Mais, c’est un luxe. En une semaine, il peut y avoir jusqu’à cinq bals. C’est pour cela que nous n’avons qu’une seule journée pour installer le nôtre.
On démarre à six heures du matin la veille, on s’arrête à 23 heures pour recommencer le jour même jusqu’en milieu d’après-midi. C’est une semaine folle ! Mais c’est une fierté d’organiser ce bal.
Pourquoi avoir choisi de l'appeler Gigolos Gigolettes ?
J-C. B. : C’est l’histoire ça ! L'appellation Gigolos Gigolettes date de 1935. C'était, à l'époque, dans le style des "Apaches" qui ont fait fureur. Les bourgeois et les bourgeoises côtoyaient les gigolos et les gigolettes en quête de frissons.
En réalité, plusieurs noms ont été attribués, on ne sait pas vraiment pourquoi. Parfois même, c’était des journalistes qui passaient par là et ça leur évoquait quelque chose. Alors, le nom a été conservé.
Trois mots pour décrire votre bal ?
J-C. B. : Je dirais plaisir, ambiance et convivialité.

Tous les bals se ressemblent-ils ?
J-C. B. : Non, loin de là ! Chacun a su trouver son public. Par exemple, il y a beaucoup de jeunes présents aux premiers et derniers bals. Il y en a un pour les commerçants, un autre pour les sportifs et même dans les quartiers ! L’ambiance est différente, la mise en scène aussi. Les plus audacieux essaient de tous les faire.
Mais, une chose est sûre, tous les bals partagent le même esprit du carnaval. Ils restent populaires et ouverts à tous. Il suffit de mettre un vêtement sur les épaules et de se joindre à nous. Il n’est plus question de hiérarchie. C’est le mélange de la société. Le carnaval de Dunkerque, c’est un patron qui fait la fête avec son employé. Moi qui étais prof, je pouvais croiser des élèves dans la rue qui m’appelaient "mon oncle". Mais, le lendemain, c’était fini. On revenait au cadre habituel.
Depuis la création de votre asso, comment le carnaval de Dunkerque a-t-il évolué ?
J-C. B. : Le carnaval remonte au Moyen Âge. Dunkerque était une ville de pêcheurs et tous les ans, les marins prenaient la mer pendant des semaines, voire des mois. Ils partaient pêcher la morue en Islande.
Un peu avant leur départ, les hommes de l’embarcation recevaient une avance de salaire avec laquelle ils faisaient la fête, passant de café en café, avant les durs jours à venir. On appelait ces soirées, les "foyes". Les bandes de pêcheurs se sont alors greffées sur la tradition médiévale du carnaval.
Au fil des ans, les bars se sont agrandis et l’événement n’a cessé d’attirer, jusqu’à devenir le grand carnaval que l’on connaît dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. La capacité d’accueil des salles a été multipliée par 100. On est passé de quelques centaines de festivaliers à une dizaine de milliers au Kursaal aujourd’hui.
Y avait-il déjà cet attachement au déguisement ?
J-C. B. : Aujourd’hui, les déguisements sont très sophistiqués. Mais, à l’origine, c’était plutôt pour les adultes. On dit que certains hommes revêtaient les habits de leur femme car leur valise était déjà prête pour l’embarquement.
Aujourd’hui, chacun est libre de mettre ce qu’il veut : certains mettent des masques, d’autres se déguisent en femme. Ce qui peut amuser, c’est de s’adresser à des gens que l'on connaît sans qu’ils nous reconnaissent.
Les mouvements de foule peuvent être impressionnants. Comment les gérez-vous ?
J-C. B. : Rien n’est laissé au hasard. À Dunkerque, on a une charte dédiée. Les enfants dans les écoles apprennent à faire carnaval. C’est plutôt une joyeuse bousculade organisée, je dirais.
Au début, on n’entre pas au cœur de la masse et on respecte les lignes, gérées par les gros bras de l'association. Si quelqu’un tombe, on ne lui marche pas dessus. On bloque la ligne le temps qu’il se relève. C’est extrêmement codé. Mais quiconque voudrait venir s’essayer est le bienvenu, il peut apprendre à faire carnaval avec nous !
Tentez l'expérience du bal !
Le bal des Gigolos Gigolettes se tiendra le samedi 8 mars à partir de 22h au Kursaal de Dunkerque, 7 bis place du Casino. Tarif : 34 € (hors frais de réservation). Possibilité de commander des billets en ligne.
Retrouvez toutes les festivités du carnaval de Dunkerque sur evasion.lenord.fr
Crédits photo : Jeune France