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7 décembre 2021
Derrière les "Tableaux mystères", 123 Nordistes à la confiance reboostée
Ces Matisse et Carpeaux-là ne sont pas comme les autres. Des Nordistes en ont composé un bout, chez eux, sans savoir qu'en cousant, ils travailleraient leurs compétences et leur confiance en eux. C’est tout le travail de l’insertion par la culture menée par le Département.
D'intrigantes enveloppes sont arrivées dans les boîtes aux lettres de 123 Nordistes. Dedans, un morceau de tissu traversé de lignes noires, des fils, de la laine et un mode d'emploi. Il détaille le code couleur à respecter et donne le mot d'ordre : chacun va pouvoir travailler de chez soi à la réalisation d'une œuvre collective. Laquelle ? C'est un mystère.
Je ne comprenais pas où on allait au début
, reconnaît Annie, une des participantes de Seclin. Il fallait seulement se lancer, oser. Au bout du compte, ce projet m'a vraiment emballé.
Laure-Églantine Lefèvre l'a imaginé en juin 2020. On sortait du premier confinement
, se souvient l'artiste-plasticienne et médiatrice culturelle de l'association Interleukin. Toute la vie culturelle était arrêtée.
De chez elle, Laure-Églantine Lefèvre repère un tableau de Matisse exposé au musée départemental du Cateau-Cambrésis, Fenêtre à Tahiti.
Un puzzle artistique
Elle reproduit les traits principaux sur un rectangle de tissu blanc, puis le découpe et met les morceaux sous enveloppe. Chacun pourra donner vie au morceau reçu en suivant le code couleur indiqué et laisser son imagination décider s'il souhaite peindre, coudre, broder, ou crocheter. Tout cela sans savoir de quelle œuvre il s'agit.
L'artiste propose l'idée à Mauro Mazzotta, médiateur culturel qui anime et développe le réseau d'insertion par la culture du Valenciennois . Il adore.
Durant le confinement, il n'avait pu proposer que des visites virtuelles de musée aux personnes qu'il accompagnait, Mauro Mazzotta.
Nous travaillons aussi bien avec des gens éloignés de l'emploi qu'avec des inscrits dans un chantier d'insertion, dans un centre social ou des invisibles. C'est, par exemple vous savez, cette voisine qui dépose une dame au centre social et que l'on invite à un atelier.
L'artiste-plasticienne et le médiateur culturel s'appuient sur l'association Informer Soutenir Insérer (ISI) d'Aulnoy-lez-Valenciennes et envoient les enveloppes à dix de leurs membres. J'ai été surprise par le résultat quand j'ai terminé de réassembler les morceaux. Je me suis rendu compte que c'était une méthode qui marchait d'Aulnoy-lez-Valenciennes
, souligne Laure-Églantine Lefèvre.
Axelle Vieilleville, cheffe de projet Insertion par la culture du Département, s'en aperçoit elle aussi. Elle propose aux 12 autres médiateurs disséminés dans tout le Nord de reprendre le projet. Dans l'Avesnois, le Cambrésis, la métropole lilloise et le Dunkerquois, cinq médiateurs culturels se lancent à leur tour. Treize tableaux mystère en sont nés.
Il a parfois fallu être astucieux. Les participants du centre socioculturel de Fourmies ne savaient pas broder, par exemple, mais ils avaient envie de se lancer. Ils ont cherché des tutos explicatifs sur internet avant de prendre l'aiguille pour reproduire sur le tissu la sculpture 7 bouteilles de Claude Morin exposée au MusVerre. Amina, non plus, ne savait pas broder. Elle participe aux cours de français donné à l'espace Mosaïque de Loos. Qu'à cela ne tienne, elle s'est lancée dans la couture de sequins et de perles. Le résultat est très beau. Et maintenant, je sais que j'aime coudre.
C'est ça, le travail de l'insertion par la culture. On voit en chacun un potentiel et non des difficultés. On créé un dialogue. On repère des savoir-faire et des savoir-être. On restaure une dignité.
Une partie des tableaux mystères a été exposée au musée Matisse du 7 au 17 octobre 2021. Le MusVerre, musée départemental du verre, a présenté 11 des 13 œuvres du 15 au 26 novembre. Le résultat est vraiment superbe
, se réjouit Annie, la participante de Seclin. Tout s'assemble si bien.
Après Matisse et le Musverre, le Louvre ?
, lance Géry, participant de Dunkerque, tellement fier de ce qui a été accompli.
Des médiateurs culturels partout dans le Nord
Ils sont 13 à faire vivre la politique d'insertion par la culture du Département au plus près de chaque Nordiste. Ils sont tous salariés de structures sociales, d'insertion, de formation permanente et animent dans leur arrondissement un réseau d'insertion par la culture, grâce au volontarisme et aux financements départementaux. Pour échanger leurs bonnes idées comme leurs outils de médiation et leurs réflexions pour accompagner au mieux les Nordistes, ils ont créé une association, le Collectif des réseaux d'insertion par la culture (CRIC).