Séniors | Flandre maritime
2 mars 2022

Avec Reprise, les personnes âgées renouent avec leurs envies

Retourner au bord de la plage, reprendre la cuisine ou aller au cinéma : tout cela est possible, malgré la perte d'autonomie. En Flandre maritime, le projet "Reprise" propose à nos aînés d'être accompagnés pour concrétiser des souhaits parfois oubliés et retrouver du lien social. Rencontre avec trois spécialistes du sujet.

Claire Sophie Roi est responsable de la formation au Diplôme d’État d’Ingénierie Sociale (DEIS) et chercheuse au Pôle recherche de l’IRTS Hauts de France. Pascaline Delhaye est responsable du Pôle recherche à l'IRTS Hauts-de-France. Léa Bommel est coordinatrice sociale de l'autonomie à la Direction Territoriale de Flandre Maritime

Le projet Reprise, c'est quoi ?

Léa Bommel : Le projet Reprise fait partie du projet européen Empowercare, qui réunit 13 partenaires dans 4 pays : la France, la Belgique, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Cette démarche est centrée sur le pouvoir d'agir de la personne âgée dans son parcours de vie. Dans le Département du Nord, et plus précisément sur le territoire de la Flandre maritime, le projet Reprise se traduit par un accompagnement de la personne dans la réalisation de ses envies.  

Pascaline Delhaye :  Il s'agit également d'une recherche-expérimentation sur la question de la perte d'autonomie. Nous avons été retenus par le Département du Nord après un appel d'offres pour mettre en place le projet et mettre à disposition un cadre scientifique avec des outils pour le mener à bien. L'Université de Lille est aussi partenaire de ce projet.

À qui s'adresse cette expérimentation ?

Léa Bommel : Le projet s'adresse aux personnes âgées en situation de perte d'autonomie. Il témoigne d'une prise de conscience, d'un changement de posture à l'égard de ces personnes : nous ne sommes plus dans le "nursing". Elles sont à une étape de vie parmi d'autres, avec des envies parfois longtemps oubliées, mises de côté pour diverses raisons. Notre objectif est de réveiller ces envies, de les laisser s'exprimer et de les aider à les réaliser. Nous sommes convaincus que l’épanouissement moral de la personne contribue au maintien de son bien-être.

Claire Sophie Roi : pour aider la personne à réaliser ses envies, nous mobilisons son réseau social : son entourage proche, mais aussi plus large : cela peut-être le concierge de l'immeuble, des associations, un voisin... Le projet est aussi une solution pour les aidants des personnes fragiles. Plutôt demander une seule chose à plusieurs personnes différentes que demander plusieurs choses à une seule et même personne. Les aidants ne sont pas les seuls dépositaires des envies de leurs proches. 

Concrètement, comment se passe cet accompagnement et quels en sont les effets ?

Claire-Sophie Roi : le protocole prévoit sept étapes dans l'accompagnement de la personne, avec pour chaque étape des outils et des supports élaborés entre l'IRTS et le Département :

  • identifier la personne (ce sont les services du Département qui font ce repérage)
  • présenter la démarche et s’assurer de l’adhésion de la personne au projet
  • recueillir les éléments afin d’aider la personne à réveiller une envie
  • repérer et mobiliser le réseau
  • expliquer le plan d’action auprès de la personne et de son réseau
  • faire réaliser l’action par la personne concernée et son réseau
  • constater la réalisation de l’action et en mesurer les effets sur le bien-être de la personne

Léa Bommel : Nous en sommes au début, mais les premiers retours sont très positifs. Les personnes sont surprises lorsqu'on leur pose des questions sur leurs envies. Nous veillons aussi à ne pas faire naître de faux espoirs, les envies restent réalistes. Souvent elles sont très simples : faire réparer une machine à coudre, faire une balade sur la plage, faire à nouveau des gaufres avec son petit-fils, même en fauteuil roulant. Tout cela est possible, malgré la perte d'autonomie. 

Cette expérimentation a t-elle changé vos pratiques professionnelles ?

Pascaline Delhaye : ce travail collaboratif montre qu'il n'y a pas de division entre la théorie et la pratique. Les professionnels développent eux aussi des savoirs ! Nos réunions avec les acteurs du Département et avec les aidants nous ont permis d'adapter au fur et à mesure les outils proposés aux besoins du terrain. C'est un vrai partenariat.

Léa Bommel :  Empowercare change le regard sur la personne en perte d'autonomie. Lors des entretiens, nous entrons dans l'intimité de la personne, qui se confie. Grâce à la méthodologie de l'IRTS, nous modifions notre manière de poser les questions et notre rapport à l'autre. C'est très enrichissant.

Quelles suites pour ce projet ?

Léa Bommel : aujourd'hui près de 15 situations ont été identifiées. Une évaluation finale montrera l'impact de la démarche sur le bien-être des personnes. Pour pérenniser le projet au-delà de l'expérimentation, nous travaillons sur une plateforme et application mobile. Avec ces outils, les personnes âgées et leurs proches pourront facilement faire connaître leurs envies et développer leur réseau de proximité pour les réaliser. 

  • 1/3 - Léa Bommel
  • 2/3 - Pascaline Delahaye
  • 3/3 - Claire Sophie Roi

Crédits photo : Cédric Arnould

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