Séniors | Valenciennois
11 octobre 2023

Un tour ensemble : quand l'écrivain Valentin Deudon fait entrer le vélo à l'EHPAD

Passionné de vélo, Valentin Deudon a eu l'envie de vivre le Tour de France en compagnie des résidents de l'EHPAD La Treille à Valenciennes, où est accueillie sa grand-mère. Une immersion de trois semaines jalonnée de moments festifs et de rencontres attachantes, racontée dans une chronique émouvante.

Né à Cambrai, Valentin Deudon collabore depuis une dizaine d’années à plusieurs revues. Il est aussi l’auteur d’ouvrages dans lesquels il réunit ses passions, concilie sport et littérature, voyage et poésie. Son carnet d'itinérance à vélo, "L'Intendresse", a été publié en 2022 aux éditions du Volcan.

Comment avez-vous connu la résidence de la Treille ?

Valentin Deudon : Ma grand-mère Charlotte, 98 ans, est à l'origine du projet. Depuis trois ans, elle est hébergée à La Treille à Valenciennes. Même si je n'y habite plus, je reviens souvent dans le Nord - pour lequel j'ai toujours un grand attachement - pour lui rendre visite. Au départ, j'avais une image négative et repoussante de ce type de lieu, et le discours résigné de ma grand-mère y contribuait. Mais en y allant, je me suis rendu compte que je m’y sentais bien, qu’il me rendait curieux. Oui, il y a de la solitude, des situations compliquées, des jours sans... Mais aussi des instants de douceur, des entraides, des liens très beaux qui se créent. J'avais envie de découvrir les humanités qui y vivent, en proposant un moment intéressant et récréatif. Mais je ne voyais pas comment faire !

D'où vient cette idée de réunir votre passion du vélo et vos visites à l'EHPAD ?

V.D : En 2021, j'ai sillonné quelques bords de mer à vélo. L'aventure a duré quatre mois. Je pédalais environ 80 kilomètres par jour. Je dormais chez l'habitant, chez des amis, c'était un temps en dehors du temps, âpre et beau à la fois. Sur le vélo, on change d’état, de regard sur le monde, on vole presque... Cette philosophie du vélo, elle se partage. En bon amateur, j'aime aussi suivre les compétitions et évidemment je ne manque jamais un Tour de France. L'été dernier, lors d'une visite à La Treille, je déjeunais avec ma grand-mère et d'autres résidents dans la salle commune. En voyant cette immense télé dans la pièce, je me suis dit, on va regarder le Tour ici tous ensemble, c'est ça que je peux faire !

Comment avez-vous construit le projet ?

V.D : J'ai parlé de mon idée à la direction que je remercie pour sa confiance qui a été capitale. Il était important pour nous de proposer un projet global autour du vélo. Il ne s'agissait pas seulement de regarder la télé ensemble, le Tour était un prétexte pour se réunir et mieux se connaitre. Avec l'équipe d'animation et notamment Jean-Smith, on a mis en place un planning avec plusieurs animations pendant les 3 semaines du Tour : visite de la trouée d'Arenberg, atelier d'écriture sur les souvenirs à vélo, lectures à la médiathèque, exposition sur le Tour de France féminin ou même une rencontre avec Robert Mintkewicz, cycliste professionnel originaire de Douchy-les-Mines qui a participé 8 fois au Tour de France. Je suis venu quelques jours avant le début du Tour présenter le projet aux résidents.

Pour être dans une vraie immersion, j'étais hébergé tout près, au lycée Notre-Dame. J'arrivais tôt le matin à vélo, je me baladais, j'aidais ceux qui travaillaient, je discutais avec eux et les résidents. L'après-midi on suivait l’étape, on voyageait à travers la France qui est belle et que le Tour nous permet de contempler vue du ciel. Je rentrais le soir dans ma chambre, pour digérer les émotions du jour et écrire la chronique quotidienne sur laquelle je m'étais engagé. C’était ma compétition à moi de raconter chaque jour le Tour vu de l’EHPAD.

Quels souvenirs gardez-vous de votre immersion ?

V.D : Je retiens les bienfaits d’un temps long passé dans un tel endroit : on ne force rien et tout arrive. Je retiens la petite harmonie de notre espace dédié au Tour, les conversations avec chacun, les mains tendues que j’ai toujours attrapées avec émotion pour les aider à se déplacer, les moments de silence aussi. Il y a eu quelques personnages principaux comme Nadine, Pascal ou Odette, 88 ans, agrégée d'histoire et autrice de quelques livres, jamais à court de questions, une intelligence toujours en marche. Je retiens aussi les gens qui prennent soin des autres, qui apportent à l'intérieur l'énergie du dehors, qui portent et qui fédèrent, comme dans un peloton. Avec cette chronique, et peut-être ensuite un livre, j’ai essayé de faire exister pour l’extérieur la réalité belle et collective de l’Ehpad.

Le projet chronique d'un Tour ensemble est soutenu financièrement par le Département du Nord dans le cadre des fonds starter pour les projets innovants dans les EHPAD.

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Crédits photo : Valentin Deudon

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